Lettre ouverte, dont la LDH est signataire, adressée au président de la République
Paris, le 10 novembre 2021
Objet : Demande de rendez-vous en soutien aux revendications des grévistes de la faim à Calais
Monsieur le président de la République,
Chaque jour, au nom d’une politique qui vise à dissuader les personnes exilées de transiter par Calais, notre gouvernement franchit des lignes rouges. Chaque jour, il met la France dans l’illégalité et renie ses valeurs en traitant ces personnes de façon inhumaine et dégradante. Il a fallu que trois citoyens s’engagent dans une grève de la faim pour briser le silence assourdissant dans lequel ce drame se poursuit sur notre sol.
Depuis maintenant 31 jours, Anaïs Vogel et Ludovic Holbein ont cessé de s’alimenter pour demander le respect de la dignité et des droits des personnes exilées à Calais.
Comme nous l’avons affirmé dans un communiqué le 26 octobre, rejoints par 180 organisations de la société civile française, nous soutenons pleinement les trois revendications présentées par les grévistes : la fin des expulsions quotidiennes sur Calais, la fin de la destruction des effets personnels des personnes exilées pendant la trêve hivernale, l’ouverture d’un dialogue raisonné et constructif entre les pouvoirs publics et les associations non mandatées par l’Etat sur la distribution de biens de première nécessité.
Ces revendications très élémentaires n’ont pas encore été prises en compte. Mandaté par le ministère de l’Intérieur, M. Didier Leschi a essentiellement annoncé deux mesures : un préavis de 45 minutes avant les expulsions, la création d’un « sas » pour 300 personnes avec une orientation vers des hébergements loin de la frontière britannique.
Ces annonces ne sont pas à la hauteur : dans les faits, elles ne remettent quasiment pas en cause les traitements inhumains et dégradants infligés quotidiennement aux plus de mille personnes exilées vivant dans le Calaisis.
Nos associations restent très mobilisées en soutien à cette action qui rappelle la responsabilité première du gouvernement français. Comme nous l’observons depuis près de 30 ans, le choix prioritaire de la dissuasion, y compris par la force, n’a jamais eu pour autre effet que d’exacerber la souffrance humaine, aggraver les atteintes aux droits humains et accentuer l’épuisement des défenseurs des droits humains, citoyens et citoyennes fidèles au principe républicain de fraternité. Pas plus que vous, nous ne souhaitons qu’Anaïs Vogel et Ludovic Holbein ne mettent leur vie en danger.
Dès lors, nous en appelons à votre sens des responsabilités et à votre humanité. La situation qui prévaut à Calais, à Grande-Synthe et plus généralement sur le littoral de la Manche et de la mer du Nord, impose qu’une réponse gouvernementale positive soit apportée au plus vite aux demandes minimales formulées.
Nous attendons de votre part un geste fort, en vous engageant directement sur ce dossier, afin que de nouvelles discussions commencent rapidement. Nos organisations sont prêtes à entrer immédiatement en dialogue avec vous et sollicitent donc un rendez-vous à cet effet.
Nos organisations sont convaincues que des solutions peuvent être apportées à cette situation. Elles doivent s’ancrer résolument dans le respect effectif des droits humains des personnes exilées et impliquent un engagement politique sur un temps long et l’ouverture d’un dialogue raisonné associant personnes exilées, associations et pouvoirs publics.
Nous vous appelons à agir dans les plus brefs délais.
Dans l’attente de votre réponse, veuillez agréer, Monsieur le président de la République, l’expression de notre très haute considération,
Amnesty International France, Cécile Coudriou, Présidente
ATD Quart-Monde, Marie-Aleth Grard, Présidente
CCFD-Terre Solidaire, Sylvie Bukhari de Pontual, Présidente
Cimade, Henri Masson, Président national
Collectif des associations de soutien aux personnes exilées de Calais : Auberge des migrants, Salam Nord Pas-de-Calais, Utopia56
Emmaüs France, Antoine Sueur, Président
Fédération Entraide Protestante, Jean Fontanieu, Secrétaire général
Fondation Abbé Pierre, Christophe Robert, Délégué général
Human Rights Watch, Bénédicte Jeannerod, Directrice France
JRS France, Véronique Albanel, Présidente
Ligue des droits de l’Homme, Malik Salemkour, Président
Médecins du Monde, Dr Carine Rolland, Présidente
Médecins sans Frontières, Corinne Torre, Chef de mission France
Oxfam France, Cécile Duflot, Directrice générale
Secours catholique Caritas France, Véronique Devise, Présidente
Avec le soutien :
Associations nationales et internationales : ACAT France, Avocats pour la défense des droits des étrangers, Collectif national droits de l’Homme Romeurope, DAL, Etats généraux des migrations, Emmaüs International, Gisti, Mrap, RESF, Safe Passage France, Service national mission et migration.
Associations régionales et locales : ASILE, Asso.cairn, CCFD-Terre Solidaire du Doubs, ASTI de Colombes, Chemins Pluriels, Citoyens du monde 53, Cimade des Hautes-Pyrénées, collectif Chabatz d’entrar de la Haute-Vienne, Collectif de défense des droits et libertés des étrangers (CDDLE) de Besançon, Collectif de soutien aux migrants de Millau, Collectif de soutien aux personnes sans papiers de Saint-Nazaire, Collectif Loire « Pour que personne ne dorme à la rue », Collectif Outils du soin, Collectif poitevin D’ailleurs Nous Sommes d’Ici, Collective Aid, COSOMI, Education.World 86, EGM25, Haut-Var Solidarité, hébergement solidaire Bihorel, ICARE-05, Migrants Voiron, Paris d’Exil, Peuples Solidaires Doubs, RESF 06, RESF43, RESF63, RESF86, RESF Voiron, Roya Citoyenne, Solidarité Jean-Merlin, Terre d’errance Norrent-Fontes, Tous migrants, Welcome-Franois-Serre