Communiqué LDH
Trois mille magistrats et une centaine de greffiers ont publié un appel intitulé « Nous ne voulons plus d’une justice qui n’écoute pas et qui chronomètre tout ». La Ligue des droits de l’Homme (LDH) partage les vives préoccupations exprimées alors que la justice vit une crise profonde et ancienne. Les Etats généraux de la justice lancés par le gouvernement doivent entendre ces voix et les associer pleinement.
Les insuffisances budgétaires affaiblissent tous les services publics et les politiques menées. Les logiques managériales reprises du secteur privé et les carences de moyens rendent impossible de faire à la fois vite et bien. Il en résulte une perte de sens pour beaucoup de fonctionnaires.
La justice intervient dans toutes les activités sociales et son bon fonctionnement est une garantie pour toutes et pour tous de pouvoir faire valoir leurs droits. Le juge judiciaire est le gardien de la liberté individuelle ; il doit également protéger la vie privée de tout un chacun. Il est celui qui peut rééquilibrer le plateau de la balance lorsqu’un salarié ou un consommateur, ou une famille surendettée, se heurte aux « puissants ». C’est pourquoi, la justice a toujours été un « marqueur » de la démocratie et de l’égalité effective des droits.
Pourtant, les pouvoirs publics n’ont eu de cesse d’empêcher le recours à un juge, soit en imposant des pratiques de médiation dans des situations où elles sont impraticables, soit en imposant des délais contraints, des formalités ou des demandes de justificatifs inutiles pour bloquer un recours, ce qui pèse sur le travail tant des greffiers que des avocats.
Puis l’accès au juge est rendu difficile par la construction de tribunaux où l’interdiction d’accès aux greffes est le principe (même pour les avocats), par le développement de la vidéoconférence, ou par le dépôt de dossier au détriment de l’audience (ou, au pénal, par les alternatives aux poursuites). Or, l’impossibilité de plaider sa cause renforce le sentiment d’injustice.
Le manque criant de moyens dans la justice, le nombre notoirement insuffisant de greffiers, de juges (et pas les contractuels non formés, juges au rabais que promet le ministre de la Justice), a un impact immédiat sur leurs conditions de travail et, donc, sur la qualité de la justice. La longueur de la procédure peut avoir des conséquences très lourdes dans la vie du justiciable ou de sa famille. In fine, c’est la cohésion sociale qui est en danger.
C’est également tout l’environnement de la justice qui est en crise : les experts non payés et qui sont dès lors trop peu nombreux ; la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) qui est censée intervenir au civil pour les enfants en danger mais n’en a plus les moyens ; le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) qui n’a pas le personnel suffisant, etc.
Le tout répressif avec la construction de nouvelles prisons, de nouveaux centres éducatifs fermés, absorbe les augmentations budgétaires sans résoudre aucunement les problèmes de délinquance, ni la surpopulation carcérale et, évidemment, sans améliorer les conditions de travail de tous les acteurs de la justice.
Tous ces choix politiques aboutissent à un déni de justice.
Paris, le 25 novembre 2021
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