Monsieur l’Ambassadeur,
La FIDH et la LDH sont particulièrement préoccupées de deux manifestations d’antisémitisme qui se sont produits dans votre pays et qui ont le même ressort.
Le journal AL AHRAM a publié, il y a quelques mois, un article qui s’inspire largement des « protocoles des sages de Sion », faux antisémite forgé de toutes pièces par la police tsariste à la fin du XIXème siècle. Cet article fait l’objet de poursuites pénales en France mais, à notre connaissance, pas en Egypte.
La télévision a commencé à diffuser un feuilleton dénommé « un cavalier sans monture » qui s’inspire aussi du « protocole des sages de Sion »
Nous constatons, de plus, que cette diffusion a lieu pendant le mois du ramadan ce qui n’est pas symboliquement neutre.
Parce que nous n’avons jamais cessé, en France et dans le monde de combattre toutes les formes de discriminations, nous voudrions vous dire que nous regardons ces manifestations de racisme comme insupportables. Rien ne peut justifier de telles dérives. La liberté de la presse trouve ses limites dans l’appel à la haine et à la discrimination raciale. Si l’œuvre de création ne peut être soumise aux même règles, j’observe qu’il n’est envisagé aucun avertissement ou mise en garde à destination des téléspectateurs, notamment quant à l’inexactitude des faits présentés comme avérés.
Ceux qui croiraient, par extraordinaire, illustrer ainsi la politique, par ailleurs intolérable, du gouvernement israélien à l’égard du peuple palestinien ne font que renforcer les sentiments de haine et de méfiance réciproque et desservent la cause qu’ils prétendent servir. Si critiquer la politique du gouvernement israélien n’est nullement une manifestation d’antisémitisme, se livrer à des attaques antisémites ne peut trouver sa place dans l’appréciation que l’on peut porter sur la politique de ce gouvernement.
Il appartient à votre gouvernement, aux termes mêmes des conventions internationales en vigueur, de ne pas tolérer des attitudes qui ne peuvent que porter gravement atteinte à l’avenir des peuples de la région mais aussi ternir l’image de l’Egypte.
Nous souhaitons pouvoir nous entretenir avec vous de ces questions et nous restons à votre disposition pour tout rendez-vous que vous voudrez bien nous fixer.
Vous comprendrez que nous rendions cette lettre publique.
Nous vous prions de croire, Monsieur l’Ambassadeur, en l’assurance de notre haute considération.
Sidiki KABA, Michel TUBIANA
Paris, le 19 novembre 2002