Communiqué de presse FIDH, LDH et Al-Haq
Suite à leur plainte conjointe déposée en avril 2022, la FIDH, la LDH et le défenseur des droits humains franco-palestinien Salah Hammouri ont reçu la semaine dernière la confirmation que le parquet de Paris avait ouvert une information judiciaire portant sur l’infiltration illégale du téléphone de M. Hammouri.
« Nous saluons cette prompte réaction du parquet de Paris et espérons que cette enquête, menée par un juge d’instruction indépendant, fera la lumière sur l’utilisation illégitime des technologies en violation des droits humains et du droit pénal français, par le groupe NSO », ont déclaré Emmanuel Daoud, Clémence Bectarte et Patrick Baudouin, qui ont porté plainte en avril 2022 au nom de la FIDH, de la LDH et de Salah Hammouri.
M. Hammouri, toujours détenu en Israël sous le régime de la rétention administrative, a désormais le droit de se constituer partie civile dans la procédure judiciaire ouverte en France, et d’exercer tous les droits attachés à cette qualité par la loi pénale française.
« Au nom de la campagne menée par la coalition ‘Justice pour Salah’, nous saluons la décision du procureur de Paris d’avoir franchi cette étape importante contre la société NSO. Il s’aligne sur nos appels à la redevabijlité pour prévenir les violations des droits humains, en particulier celles contre les défenseurs des droits humains, y compris notre collègue et avocat Salah Hammouri » a déclaré Shawan Jabarin, Directeur général d’Al Haq.
Nos organisations demandent aux autorités françaises de se mobiliser avec la plus grande énergie pour obtenir la libération de Salah Hammouri, ressortissant franco-palestinien.
Rappel de l’affaire : En octobre 2021, Salah Hammouri a contacté Frontline Defenders (FLD) afin de procéder à un examen de son téléphone après avoir découvert que les téléphones d’autres défenseur·es des droits humains palestinien·nes avaient été infiltrés. Frontline Defenders a terminé son enquête en novembre 2021 et a fait confirmer ses conclusions par Citizen Lab et Amnesty International.
L’enquête a révélé que les téléphones de M. Hammouri et d’autres défenseur·es des droits humains palestinien·nes avaient été piratés par le logiciel espion Pegasus, commercialisé par NSO Group, une entreprise technologique israélienne. L’enquête a confirmé que le téléphone de M. Hammouri avait été infiltré en avril 2021. En décembre 2021, M. Hammouri a demandé à la FIDH de le représenter pour porter plainte contre NSO Group, qui s’est illégalement servi de son logiciel espion pour pirater et infiltrer non seulement son téléphone mais aussi tous les détails de sa vie professionnelle et de sa vie privée, le privant ainsi, entre autres, de son droit au respect de la vie privée.
M. Hammouri est victime de persécutions par le gouvernement israélien depuis l’âge de 15 ans, lorsqu’il a été blessé par balle en 2000. Il a été arrêté pour la première fois à l’âge de 16 ans et fait depuis l’objet d’un harcèlement continu de la part des autorités israéliennes, notamment six périodes d’emprisonnement et d’arrestations arbitraires, plusieurs interdictions de voyager, des cautions et des amendes exorbitantes, des assignations à résidence, la séparation d’avec sa famille, révocation de sa résidence permanente, et plus récemment, le 6 juin 2022, une nouvelle détention administrative illégale pour une période de trois mois supplémentaire, soumise à des renouvellements indéfinis en vertu des lois militaires d’urgence appliquées par les autorités israéliennes.
Le 18 octobre 2021, le ministre israélien de l’Intérieur a pris la décision de révoquer le statut de résident permanent à Jérusalem de M. Hammouri en raison d’une « violation de l’allégeance à l’Etat d’Israël » et d’allégations formulées et définies de manière délibérément floue d’« activités terroristes » et/ou d’affiliation à des « entités terroristes » liées à des « renseignements secrets ». Si cette décision venait à être appliquée, M. Hammouri, qui est né et vit à Jérusalem depuis 1985, serait expulsé de façon permanente de son pays d’origine sans possibilité d’y retourner. Par ailleurs, elle créerait un dangereux précédent qui serait utilisé de manière systématique par les autorités israéliennes pour révoquer le statut de résident de Hiérosolymitain·nes palestinien·nes pour tenter de vider Jérusalem de sa population palestinienne.
NSO Group fait l’objet de plusieurs poursuites judiciaires dans le monde pour son utilisation illégale de technologies en violation des droits et principes relatifs aux droits humains. Plusieurs ONG, dont la FIDH, ont exhorté l’Union européenne à ajouter NSO à sa liste des sanctions et à prendre toutes les mesures nécessaires pour interdire la vente, le transfert, l’exportation, l’importation, et l’utilisation des technologies de NSO Group jusqu’à ce que soient mises en place des garanties satisfaisantes en matière des droits humains. Il est impératif que des sanctions et mesures appropriées soient prises lorsque des entreprises violent les droits humains. Comme la FIDH l’a plaidé à maintes reprises, toute réglementation à cette fin au niveau européen doit s’attaquer à toutes les entreprises, y compris celles opérant dans le secteur des technologies.
Paris, le 11 juillet 2022