Tribune collective signée par la LDH
En juin dernier, la Cour européenne des droits de l’Homme a fermement sanctionné la France pour le traitement pénal qu’elle réserve à l’écrivain et militant politique Jean-Marc Rouillan, en particulier pour sa condamnation à 18 mois de prison pour « apologie du terrorisme ». Un ensemble de personnalités et d’organisations dénoncent un « acharnement judiciaire » qui « s’inscrit dans un contexte inquiétant de durcissement global des dispositifs répressifs à l’encontre de pans entiers de la population et de différentes tendances de l’opposition politique. »
Le 23 juin dernier, la Cour européenne des droits de l’Homme a fermement sanctionné la France pour le traitement pénal qu’elle réserve à l’écrivain et militant politique Jean-Marc Rouillan, en particulier pour sa condamnation à dix-huit mois de prison pour « apologie du terrorisme ».
Dans sa décision, la Cour européenne des droits de l’Homme s’oppose clairement à la brutalité de la sanction pénale et à l’emprisonnement de Jean-Marc Rouillan, considéré comme une « ingérence » démesurée « dans le droit à la libre expression ». En d’autres termes, il s’agit pour la Cour de mettre un terme à l’acharnement subi par un ancien prisonnier de 70 ans.
Car depuis sa première sortie de prison en 2007, la justice antiterroriste ne laisse aucun repos à Jean-Marc Rouillan. Après 28 ans passés en prison dont 7 années à l’isolement total, il a pourtant purgé sa peine pour ses activités dans les années 1980. Malgré cela, les procédures à son encontre s’enchainent : réincarcéré pour deux ans et demi en 2008 pour avoir déclaré qu’il n’avait pas de regret dans une interview donnée à l’Express ; puis condamné à nouveau en 2016 pour « apologie du terrorisme » à partir de propos tronqués et instrumentalisés par l’Etat et enfin menacé de réincarcération à deux reprises en 2020 en raison de dysfonctionnements techniques de son bracelet électronique.
En réalité, les juges antiterroristes semblent prêts à tout pour renvoyer Jean-Marc Rouillan en prison, même s’il faut fouler au pied le droit et les droits fondamentaux.
En effet, Jean-Marc Rouillan est convoqué le 26 octobre prochain devant le tribunal de l’application des peines à la demande du procureur antiterroriste. Celui-ci exige sa réincarcération avec révocation de son sursis.
La CEDH « estime que l’ingérence dans la liberté d’expression du requérant que constitue la peine qui lui a été infligée n’était pas « nécessaire dans une société démocratique ». Elle conclut qu’il y a eu violation de l’article 10 de la convention « en ce qui concerne la lourdeur de la sanction pénale infligée. » Et le procureur passe outre en voulant faire appliquer cette peine jusqu’au bout.
Devrait-on considérer que Jean-Marc Rouillan n’est pas un justiciable comme les autres ?
Que sa condamnation devrait être perpétuelle et son cas échapper à la logique pure et simple du droit ?
Nous, signataires de cette tribune, quel que soit notre avis sur les activités de Jean-Marc Rouillan dans les années 1970 et 1980 pour lesquelles il a déjà largement purgé sa peine, dénonçons l’acharnement judiciaire dont il est victime. Ce qui se joue va bien au-delà et s’inscrit dans un contexte inquiétant de durcissement global des dispositifs répressifs à l’encontre de pans entiers de la population comme de différentes tendances de l’opposition politique. Il s’agit de ce point de vue d’un enjeu démocratique et de liberté d’expression fondamental.
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