Tribune de Patrick Baudouin, président de la LDH
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L’onde de choc provoquée par la poussée de l’extrême droite aux élections présidentielle et législative est à peine dissipée que notre pays, ramené à une réalité quotidienne des enjeux et des choix politiques, se trouve confronté à de multiples défis aux issues incertaines.
La crise institutionnelle, en germe de longue date du fait notamment de l’hyperprésidentialisation du régime au détriment des élus, des corps intermédiaires et de la société civile, est apparue en pleine lumière au vu des résultats électoraux. L’absence d’obtention d’une majorité claire et solide pour les macronistes, avec deux blocs d’opposition déterminée à gauche et à l’extrême droite, crée une situation inédite par rapport à une Constitution de la Ve République, conçue pour éviter toute instabilité gouvernementale.
Cependant, la nouvelle composition de l’Assemblée nationale a le mérite d’offrir une meilleure représentativité et de permettre au Parlement de redevenir un véritable pouvoir législatif. L’adoption des lois, qui était l’apanage d’une majorité écrasante sous la précédente législature, ne sera plus une simple formalité mais interviendra après discussions et nécessaires compromis. Une première illustration en est donnée par les débats intervenus sur la sortie de l’état d’urgence sanitaire, sur le pouvoir d’achat, ou sur la loi de finance rectificative. Mais si la nouvelle composition politique impose ce rééquilibrage entre deux légitimités, présidentielle et parlementaire, le danger réel est celui d’un basculement toujours plus à droite pour la passation d’accords texte par texte, avec la bienveillance complice d’une extrême droite progressivement légitimée et ancrée dans la vie politique.
Or il faut constamment rappeler que nonobstant sa recherche de respectabilité, le Rassemblement national n’est pas un parti comme les autres. A l’instar d’Eric Zemmour, qui lui a servi de faire-valoir, Marine Le Pen, alliée de messieurs Orban, Salvini et consorts, a conservé tous les fondamentaux d’un parti xénophobe qui n’hésite pas à prôner la préférence nationale, à revendiquer des mesures anti-immigrés draconiennes et sécuritaires liberticides, ou encore à attiser toute sorte de haines à relents discriminatoires. La démonstration en a d’emblée été apportée à l’occasion du discours assez hallucinant prononcé, lors de l’ouverture de la session parlementaire, par le député RN doyen d’âge de l’Assemblée nationale, n’hésitant pas à glorifier l’OAS et à exprimer sa nostalgie de l’Algérie française. Il en est de nombreux autres exemples depuis lors, comme en témoignent les incidents survenus dans plusieurs villes telle celle de Bordeaux, avec l’apposition d’une banderole anti-LGBT, ou une véritable ratonnade nocturne doublée de propos racistes. Ainsi en va-t-il encore de la prise de divers arrêtés par des maires de tendance extrême droite, aussi bien antimendicité que contre le port du burkini, de la suppression d’aides sociales, ou de l’interdiction d’accès d’associations à des locaux municipaux. Contre toutes ces atteintes portées à la légalité républicaine, la LDH ne laissera rien passer et saisira la justice chaque fois que cela s’avèrera nécessaire pour le respect du droit et des libertés.
Passée la période de vacances, ce sont deux dossiers, celui des institutions et celui de l’extrême droite, étroitement liés dans leur rapport à la démocratie, qui devront donner lieu au sein de la LDH à la réflexion, la discussion et l’élaboration de propositions. Il n’en existe pas moins de nombreux autres sujets de préoccupation et de mobilisation pour l’année à venir. La crise économique et financière qui se profile, avec la poursuite de la guerre en Ukraine, risque d’accentuer encore la précarisation et les inégalités sociales. Les canicules et incendies ne font que confirmer l’extrême urgence de mesures radicales pour préserver la planète. La remise en cause de droits des femmes acquis de haute lutte, comme l’avortement, montre la nécessité de poursuivre sans relâche le combat. La LDH continuera aussi à agir avec détermination pour obtenir une remise en cause de lois portant atteinte aux libertés – entre autres sur le séparatisme ou la sécurité intérieure –, et pour voir stopper les violences policières. Cette liste n’est pas exhaustive et il est à craindre qu’elle ne s’allonge au fil de l’actualité. Dans la perspective d’une rentrée où les ligueurs et ligueuses auront bien besoin de toutes leurs forces, il ne peut que leur être souhaité un bel et reposant été.