Tribune de Patrick Baudouin, président de la LDH
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Tels sont les vœux exprimés par la LDH au terme de ce catalogue des améliorations à apporter en matière de droits et libertés. S’il ne faut pas s’illusionner sur les chances de les voir tous se réaliser dans l’immédiat, il n’en résulte pas moins une feuille de route des objectifs à poursuivre.
A l’occasion de chaque congrès trisannuel de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) (1), il est de tradition que la Ligue du pays hôte établisse une liste des principales préoccupations et revendications en matière de droits et libertés. La LDH n’a hélas pas eu de difficultés à identifier les défis à relever.
Libertés publiques – On constate une prolifération de lois sécuritaires et l’intégration de mesures d’urgence dans le droit commun : loi dite sécurité globale, loi suivante sur la sécurité intérieure, ou encore loi dite séparatisme avec le contrat d’engagement républicain. Il est demandé à la France de cesser d’adopter des lois sécuritaires et liberticides, et de revenir sur celles déjà adoptées.
Prisons – De graves atteintes à la dignité humaine perdurent s’agissant des droits des personnes détenues, avec une surpopulation carcérale chronique ayant conduit la CEDH à condamner la France pour y mettre un terme, améliorer les conditions de détention, et mettre en place des modalités de recours effectif pour les détenus. Il est demandé à la France de prendre les mesures nécessaires pour garantir les droits fondamentaux en détention et lutter contre la surpopulation carcérale.
Police – Les dérives du maintien de l’ordre se traduisent par d’inacceptables violences policières. L’usage d’armes de guerre lors des manifestations a entraîné de multiples et graves blessures. Il est demandé à la France d’assurer une réelle formation des policiers leur permettant d’agir en respectant strictement les principes de nécessité et de proportionnalité dans l’usage de la force, et en outre de garantir le droit des victimes de violences policières à un recours effectif.
Discriminations –Les infractions à motivation raciste, antisémite, antimusulmane ou xénophobe sont en augmentation et insuffisamment réprimées. On observe également une hausse significative des infractions de nature sexiste et sexuelle, avec un accroissement du nombre de féminicides. Il est demandé à la France de rendre l’égalité des droits effective, de permettre un accès amélioré à la justice, et aussi d’adopter des mesures de sensibilisation.
Etrangers – La politique affichée de lutte contre les « flux migratoires et irréguliers » conduit à la violation des droits des personnes réfugiées, demandeuses d’asile ou migrants. Il leur est même infligé des traitements inhumains et dégradants comme à Calais, ou dans des centres de rétention administrative, ce qui a valu à la France une condamnation par la CEDH. Il est demandé à la France de cesser de violer les droits de ces personnes, en garantissant leur dignité, ainsi que leur accès à la protection internationale et à tous les services disponibles.
Climat – Alors que l’ONU a reconnu l’existence d’un droit à un environnement propre, sain et durable, la France ne remplit toujours pas ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre malgré les condamnations des juridictions administratives. Il est demandé à la France de se donner urgemment les moyens de son ambition climatique, afin d’être à la hauteur de ses engagements internationaux en la matière.
Entreprises –Si la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance oblige les plus grandes entreprises françaises à adopter des mesures propres à prévenir les risques d’atteinte aux droits humains et à l’environnement, elles profitent des difficultés de contrôle pour s’y soustraire. Il est demandé à la France de profiter de la discussion actuelle autour du projet de directive européenne sur le devoir de vigilance pour aller au-delà de ses standards actuels et élargir le nombre d’entreprises concernées par ce devoir.
Politique étrangère – Si une réponse forte est apportée face aux crimes russes commis en Ukraine, des ententes sont scellées avec l’Egypte et les Emirats arabes unis malgré les graves violations des droits par ces deux Etats. Des transferts d’armes irresponsables sont effectués au profit de l’Arabie saoudite, alimentant ainsi la pérennisation du conflit au Yémen. Il est demandé à la France de cesser de méconnaître ses obligations en matière de vente d’armes, et d’exiger les mêmes standards de respect des droits humains dans ses relations avec tous les Etats.
Droits sociaux et économiques – En 2022 le taux de pauvreté s’élevait à près de 14 % de la population, le niveau de vie des plus pauvres ne cesse de diminuer alors que celui des plus riches ne cesse d’augmenter. Il est demandé à la France de garantir un niveau de vie décent pour tous et un niveau minimum d’accès aux droits et aux services essentiels dans les domaines de la santé, de l’emploi, de l’éducation et du logement.
Justice – La justice connaît une crise sérieuse, le manque de moyens alloués contribuant à sa perte de qualité et à sa déshumanisation. Il est demandé à la France de faire en sorte que la justice française possède les moyens nécessaires en matériel et en personnel pour remplir sa mission, essentielle à la démocratie.
Tels sont les vœux exprimés par la LDH au terme de ce catalogue des améliorations à apporter en matière de droits et libertés. S’il ne faut pas s’illusionner sur les chances de les voir tous se réaliser dans l’immédiat, il n’en résulte pas moins une feuille de route des objectifs à poursuivre.
(1) Cette année en France, du 23 au 27 octobre 2022 (voir www.fidh.org/fr/com/evenements/les-actions-les-evenements/fidh100-programme-congres).