Complicités françaises dans le génocide des Tutsis : une lueur dans le dossier Bisesero

Communiqué commun LDH, FIDH et Survie

La cour d’appel de Paris a annulé l’ordonnance de non-lieu rendue en septembre 2022 dans le dossier Bisesero. Dans ce dossier concernant l’abandon de deux mille Tutsis à leurs tueurs par l’armée française, fin juin 1994, la cour d’appel a constaté que l’ordonnance n’avait pas été rendue dans les formes prévues par la loi. Elle ne s’est donc pas prononcée sur les demandes de renvoi devant la cour d’assises de quatre officiers français : les parties civiles dans ce dossier, se félicitent de cette annulation mais regrettent que le temps continue de jouer en faveur de l’impunité.

Suite à la parution en mars 2021 du rapport de la commission présidée par Vincent Duclert, les plaignants rwandais, Survie, la LDH (Ligue des droits de l’Homme) et la Fédération internationale des droits humains (FIDH) avaient demandé son versement au dossier, en soulignant qu’il constituait un élément nouveau. Treize mois plus tard, le 3 juin 2022, les juges mandataient un assistant spécialisé pour synthétiser le rapport Duclert. Les plaignants et les associations parties civiles avaient alors salué la réouverture de l’instruction, avant une douche froide quelques semaines après : l’ordonnance de non-lieu rendue par les juges d’instruction le 6 septembre 2022 [1].

Les parties civiles ont fait appel. C’est sur la régularité de cette ordonnance de non-lieu que  la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris vient de se prononcer. Elle a jugé que les magistrats instructeurs avaient bel et bien rouvert le dossier en décidant d’exploiter le rapport Duclert, et qu’ils ne pouvaient par conséquent pas rendre d’ordonnance de clôture sans signifier préalablement et à nouveau aux parties leur intention de clore. Ce non respect de l’article 175 du code de procédure pénale entraine la nullité de l’ordonnance. Le dossier est renvoyé aux juges d’instruction.

Pour Maître Eric Plouvier, avocat de l’association Survie, « cette décision souligne que le juge n’a pas suffisamment tiré de conséquences du rapport Duclert. Même si l’annulation porte apparemment sur un vice de forme, sa cause profonde vient de ce que le juge n’a que trop sommairement exploité ce rapport sans faire le lien avec le dossier ni les observations des parties civiles. Or la commission Duclert a consulté des documents militaires qui ont été refusés aux juges ! »

Pour Maître Patrick Baudouin, président de la LDH et président d’honneur de la FIDH, « on imaginait difficilement une autre décision que celle-ci, dictée par des éléments de procédure. Mais force est de constater que nous repartons pour des mois voire des années de bataille judiciaire, pour tenter d’arracher la seule chose qui compte à nos yeux : la fin de l’impunité dont jouissent les responsables militaires et politiques dans ce dossier. »

Signataires : Survie, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Fédération internationale des droits humains

Paris, le 21 juin 2023

[1] Voir « Bisesero : quand on ne veut pas chercher, on ne trouve rien », communiqué de l’association Survie, 8 septembre 2022, https://survie.org/themes/genocide-des-tutsis-au-rwanda/nos-actions-en-justice/article/bisesero-quand-on-ne-veut-pas-chercher-on-ne-trouve-rien
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