Communiqué commun LDH et FIDH
Le projet de loi d’orientation et de programmation de la justice 2023-2027 sera débattu en séance publique au sein de l’Assemblée nationale à partir du lundi 3 juillet. À cette occasion, plusieurs des verrous restreignant encore la compétence universelle de la justice française seront débattus et pourraient enfin être levés. Il est en effet temps que la France adapte son arsenal législatif afin de pouvoir poursuivre et juger les auteurs de crimes internationaux, dès lors qu’ils sont présents sur le territoire, comme demandé depuis de nombreuses années par les ONG et les associations de victimes.
Dans le cadre de ce projet de loi au Sénat, le sénateur Jean-Pierre Sueur a déposé un amendement qui ouvre à nouveau les débats sur les conditions de mise en œuvre de la compétence universelle.
« Plusieurs affaires récentes ont démontré la difficulté de la France à mener à leur terme certaines procédures judiciaires emblématiques, en raison de la présence de conditions très restrictives dans la loi française. Nous demandons donc aux députés de supprimer les verrous restreignant la poursuite des criminels internationaux » a déclaré Patrick Baudouin, co-président de la Coalition Française pour la Cour Pénale Internationale (CFCPI) et président de la LDH.
Plusieurs groupes parlementaires, y compris les groupes Renaissance et apparentés, se sont déclarés favorables au dépôt d’amendements visant à la suppression de deux des conditions présentes dans la loi : la condition de double incrimination et celle de résidence habituelle sur le territoire français, au profit d’une simple présence. En effet, ces verrous, dénoncés de longue date par toutes les associations engagées dans la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves, entravent grandement l’exercice effectif de poursuites contre les responsables de crimes internationaux.
Toutefois, la position du gouvernement reste incertaine, laissant craindre qu’il continue de s’opposer à la suppression de la condition de résidence habituelle voire même qu’il institue un régime encore plus restrictif que celui en place actuellement, en définissant les contours de cette notion.
« Cette différence de régime est incompréhensible et permet donc à des auteurs présumés de crimes contre l’humanité, crimes de guerre ou encore de génocide de séjourner sur le territoire français en toute impunité » a déclaré Jeanne Sulzer, responsable de la Commission justice internationale d’Amnesty International France.
Mais l’exercice effectif et efficace de la compétence universelle par le juge français impose aussi de supprimer les deux autres restrictions présentes dans la loi : le monopole des poursuites confié au parquet et la subsidiarité des poursuites, qui impose au procureur de vérifier, avant d’ouvrir une enquête, l’absence de poursuites diligentées par la CPI ou une autre juridiction internationale ou nationale.
« Cette exigence procédurale, contraire au statut de Rome, fait peser sur le parquet une charge incompatible avec la réactivité qui peut être nécessaire pour éviter le risque de fuite et la déperdition des preuves. Combinés, ces deux derniers verrous compromettent gravement la capacité de la justice française à poursuivre et à réprimer les auteurs de ces crimes » a déclaré Brigitte Jolivet du Syndicat de la magistrature.
Alors que la guerre en Ukraine fait rage aux portes de l’Europe et que, dans de nombreuses situations contemporaines, des crimes internationaux continuent d’être perpétrés, la nécessité de lutter contre l’impunité de ces crimes apparaît plus que jamais évidente. Il est ainsi urgent que la France se mette en adéquation avec ses engagements sur la scène internationale en donnant les moyens nécessaires à sa justice pour poursuivre et juger efficacement les crimes les plus graves en vertu d’une loi sur la compétence universelle digne de ce nom.
Paris, le 29 juin 2023