Communiqué commun dont la LDH est signataire
En 2016, le Parlement inscrivait dans la loi Santé l’extension à la réduction des risques (RDR) du principe d’équivalence des soins entre le milieu ouvert et le milieu fermé. Huit ans plus tard, le décret d’application n’est toujours pas publié et la loi n’est toujours pas respectée. En conséquence, l’accès aux outils et dispositifs de RDR est quasiment inexistant en prison, lieu avec une forte prévalence des addictions et des maladies infectieuses. 17 associations réclament la publication du décret d’application de ladite loi sur son volet RDR en prison.
En France, la prévalence des addictions parmi les personnes incarcérées est bien plus importante qu’en milieu ouvert : on estime qu’un tiers des personnes qui entrent en prison présentent une problématique addictive hors tabac et que la quasi-totalité continue à consommer en établissement pénitentiaire[1], dans des conditions qui présentent des risques importants pour leur santé. Ainsi, 40,5% d’entre elles déclarent avoir déjà partagé leur matériel de consommation[2]. La prévalence du VIH et des hépatites virales est aujourd’hui 6 à 10 fois plus importante en prison qu’à l’extérieur[3].
Face à ce constat, le Parlement inscrivait en 2016, dans la loi de modernisation de notre système de santé, un principe simple : « La politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers-ères de drogue s’applique également aux personnes détenues ». Cette politique inclut, entre autres, la distribution gratuite de matériel, notamment des seringues stériles et antidotes en cas de surdose.
Cette loi de modernisation de notre système de santé, qui fêtera ses 8 ans le 26 janvier, n’est pas appliquée. La réduction des risques en prison est encore extrêmement limitée. La distribution de matériel pour les usagers-ères de drogue varie très fortement d’un établissement pénitentiaire à l’autre.
Cette situation bafoue le respect des droits fondamentaux des personnes incarcérées, met en danger leur santé déjà particulièrement fragile et contribue à la propagation des épidémies de VIH et des hépatites.
En l’absence de décret, les associations attaquent l’Etat et interpellent les parlementaires
Depuis l’adoption de la loi de modernisation de notre système de santé le 26 janvier 2016, aucun gouvernement n’a pris le décret nécessaire à son application face à l’urgence sanitaire que représente la réduction des risques en prison.
Pourtant, 8 associations[4] ont déjà alerté sur ce sujet en déposant, le 18 octobre 2022, un recours au Conseil d’État afin de contraindre le gouvernement à appliquer la loi en prison.
Ce 26 janvier, à l’occasion de l’anniversaire de l’adoption de la loi de modernisation de notre système de santé, 17 associations actives dans la réduction des risques, les addictions, les droits des personnes détenues, et la lutte contre le VIH se mobilisent de nouveau.
Nous appelons les parlementaires à :
- utiliser leur droit de visite dans les établissements pénitentiaires afin qu’ils y observent les conditions d’incarcération ;
- interroger le gouvernement par des questions écrites ou orales sur la non application de la loi ;
- ajouter la question de la réduction des risques au plan de travail du groupe d’études prison de l’Assemblée nationale ;
- saisir la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté.
Nous appelons la direction générale de la santé, la direction de l’administration pénitentiaire et les ministères de la Santé et de la Justice à inclure nos recommandations (disponibles en pièce-jointe) dans la rédaction d’un décret qui pourra ainsi répondre à l’ampleur de la crise sanitaire actuelle en prison.
Nous appelons la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté et le défenseur des droits à contrôler l’application de la loi de santé 2016 sur son volet RDR en prison.
Signataires : Act Up Sud-Ouest, AIDES, ASUD (Autosupport des usagers de drogues), ASUD MARS SAY YEAH, Fédération Addiction, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Médecins du Monde, Nouvelle Aube, Observatoire international des prisons, Prométhée, Safe, Sida Info Service, Sidaction, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature, TRT-5 CHV
Paris, le 26 janvier 2024
[1] Protais C., Morel d’Arleux J., Roustide M.-J., Usages de drogues en prison – Pratiques, conséquences et réponses, Paris, OFDT, 2019, 40 p.
[2] Michel L, Gerfaux-Trouiller P, Chollet A, Molinier M, Duchesne L, Jauffret Roustide M. Self-reported injection practices among people who use drugs in French prisons: public health implications (ANRS-Coquelicot survey 2011-2013). Drud and Alcohol Review. 2017
[3] C. Semaille, Y. Le Strat, E. Chiron, K. Chemlal, M.A. Valantin, P. Serre, L. Caté, C. Barbier, M. Jauffret-Roustide, The Prevacar Group. Prevalence of Human Immunodeficiency Virus and Hepatitis C Virus Among French Prison Inmates in 2010: A Challenge for Public Health Policy, 2013
[4] AIDES, Fédération Addiction, Médecins du Monde, Nouvelle Aube, l’Observatoire International des Prisons, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France et le TRT-5 CHV.