En salle le 15 mai 2024
Le réalisateur franco-iranien, Mehran Tamadon, vit en France depuis les années 80. Il a réalisé plusieurs films en Iran, notamment Bassidji (2009) et Iranien (2014), dans lesquels il s’est confronté aux partisans de la République islamique jusqu’aux limites de ce que le régime pouvait tolérer. Depuis 2014, menacé de ne plus être autorisé à ressortir du pays, il ne peut retourner en Iran.
En 2023, il a invité trois de ses concitoyens exilés en France, Taghi Rahmani, Homa Kalhori, et Mayzar Ebrahimi, à témoigner devant sa caméra des tortures qu’ils ont subies en Iran.
Pour accueillir leurs récits, il a investi un bâtiment désaffecté où ils reconstituent ensemble les conditions d’enfermement : des barreaux peints à la peinture blanche, l’espace exigu d’une cellule matérialisé à l’aide de tasseaux de bois, un sommier métallique pour évoquer le matériel de torture utilisé par les interrogateurs… Durant ce processus de fabrication, un dialogue se noue entre le réalisateur et les protagonistes du film. La recréation des lieux d’enfermement et de torture fait resurgir, en même temps que l’émotion et la douleur, des souvenirs qui sont inscrits autant dans les corps que dans la mémoire.
Mayzar Ebrahimi souffre encore des séquelles des coups qu’il a reçus. Il décrit une douleur qui fait surgir du corps une force de réaction insoupçonnée. Ses descriptions détaillées et précises des tortures sont d’autant plus évocatrices qu’elles sont faites sans pathos.
Homa Kalhori, en rejouant les scènes d’enfermement devant la caméra, retrouve les paroles de ses bourreaux. Elle raconte comment, forcée de vivre plusieurs mois dans une cellule étroite comme une tombe, d’écouter des chants, des prières et des prêches incessants, elle a finalement « craqué », s’est effondrée, s’est mise à prier et a accepté de porter le voile islamique. Son témoignage est d’autant plus bouleversant qu’elle supporte la honte d’être devenue elle-même la gardienne d’une section de la prison après sa « conversion ». Elle a mis plusieurs années avant de comprendre ce qui lui était arrivé.[1]
Taghi Rahmani décrit l’isolement où le temps étouffe. Comment ne pas laisser le temps vous maîtriser, explique-t-il. Ce ne sont pas les menaces qui brisent mais c’est d’être sous l’emprise des jours et des heures. La vraie vie se déroule dans l’instant : comment arriver résister à chaque instant ?
Avec ce film, on sort des généralités sur l’enfermement et la torture. Au-delà de la situation particulière de l’Iran, il permet une réflexion sur les régimes d’oppression et leurs outils pour briser la résistance des individus, mais aussi sur les capacités de résistance des individus.
Après avoir passé 14 ans en prison, dont huit dans la prison d’Evin, Taghi Rahmani souhaite tout de même retourner en Iran où sa femme, Narges Mohammadi, prix Nobel de la paix 2023, est actuellement détenue.
Le générique précise que ce film a été réalisé avant le mouvement Femme Vie Liberté et la violente répression du peuple iranien par la République islamique à la suite de ce mouvement.
[1] Elle a publié son témoignage sous le titre : A Coffin for a Living. Independent Publishing Network, 2020
Réalisation : Mehran Tamadon
Production : L’Atelier documentaire, Box Production
Durée : 110 min