Communiqué commun dont la LDH est la FIDH sont signataires
Le président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix-Antoine Tshisekedi, est en visite officielle en France les 29 et 30 avril. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), ses organisations membres en RDC et en France, dont la LDH, appellent les présidents Macron et Tshisekedi à placer la recherche de la paix, le respect de l’environnement et des droits humains au cœur de cette rencontre.
Paris, Kinshasa, Kisangani, 30 avril 2024. La visite officielle du président de la RDC, Félix-Antoine Tshisekedi à Paris se poursuit aujourd’hui. Les échanges portent sur la situation économique, mais aussi sécuritaire du pays, en particulier dans l’Est, en proie à une guerre particulièrement meurtrière depuis des dizaines d’années. Si le processus de Luanda reste la voie privilégiée vers la paix entre la RDC et le Rwanda voisin, la France doit assumer ses responsabilités dans son soutien ambivalent aux forces déstabilisatrices de la région des Grands lacs.
La guerre dans l’Est de la RDC est une guerre de ressources, c’est le moteur qui la fait perdurer depuis 30 ans. Le Rwanda soutient le groupe armé M23 tandis que les Forces armées de la RDC (FARDC) soutiennent les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Ces groupes sont responsables d’innombrables exactions et violations des droits humains, jusqu’ici impunies. Lorsque l’UE vante la signature récente de deux protocoles d’entente, avec la RDC d’un côté et le Rwanda de l’autre, son accès en matières premières « critiques et stratégiques » se fait au prix de morts civiles. En fournissant une aide financière militaire au Rwanda, l’UE a renforcé et conforté le gouvernement d’un Etat responsable de violations graves et répétées en RDC.
Si le président français est sincère dans sa volonté de paix, il doit veiller au strict respect de ses engagements internationaux. Les conditions pour que les investissements et l’activité des entreprises françaises en RDC soient irréprochables pour l’environnement, la démocratie et les droits humains ne sont pas réunies. Les entreprises françaises doivent se doter et se conformer à des processus de diligence raisonnable renforcée au vu des risques pour les droits humains existants en RDC. Les protocoles d’entente signés avec l’UE concernant les minerais critiques ne doivent pas servir à blanchir les minerais pillés en RDC.
La France et ses partenaires doivent œuvrer, aux côtés de la RDC, à mettre fin aux cycles de violence sans fin dans l’est du pays. Ils doivent soutenir, y compris financièrement, l’accès aux droits économiques sociaux, environnementaux et culturels par la population. Surtout, la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves doit être la priorité de la communauté internationale. Sans justice, aucune paix en RDC n’est possible. En même temps, il faut encourager les groupes armés à se rendre et déposer les armes, notamment à travers un programme de Désarmement, Démobilisation et Réseinsertion (DDR). Des conditions respectueuses des droits humains devront également être réunies au Rwanda pour le retour des FDLR et la suite qui leur sera réservée.
La visite du président Tshisekedi en France ne semble comporter aucune rencontre avec les organisations de la société civile en France. La FIDH, ses organisations membres en RDC, l’Association africaine des droits de l’Homme (ASADHO), le groupe Lotus et la Ligue des électeurs, ainsi que son organisation membre en France, la LDH (Ligue des droits de l’Homme), souhaitent rappeler leurs préoccupations en matière de droits humains et de rétrécissement de l’espace civique en RDC.
En RDC depuis la dernière période électorale, les organisations signataires observent des atteintes aux droits et libertés fondamentaux des journalistes, des défenseur-e-s des droits humains et des opposant-e-s politiques. La France doit encourager la RDC à mettre fin à ces atteintes et à ouvrir des enquêtes indépendantes et impartiales sur ces cas.
Enfin, la décision du gouvernement de la RDC de lever le moratoire sur les exécutions, en vigueur depuis 2003, inquiète fortement nos organisations. Elles demandent au président de la France, où la peine de mort a été abolie en 1981, d’exhorter le président de la RDC à revenir sur la décision de lever le moratoire et d’enjoindre les autorités congolaises à abolir la peine de mort.
Cette visite en France fait suite à la visite du président français, Emmanuel Macron, en février 2023 en RDC, alors que le président congolais finissait son premier mandat. A cette occasion, les organisations signataires avaient également fait des recommandations similaires, à travers une lettre ouverte conjointe de la société civile.
Paris, le 30 avril 2024