Communiqué commun dont la LDH est signataire
Ces derniers jours, les médias internationaux ont fait état de plusieurs attaques menées par les autorités chypriotes contre des personnes fuyant le Liban et la Syrie. Les personnes à bord sont restées bloquées en mer pendant plusieurs jours, sans eau ni nourriture. Trois bateaux auraient été renvoyés de force au Liban, tandis que le sort des autres reste inconnu. Ces épisodes violents surviennent après l’annonce, la semaine dernière, par le gouvernement chypriote de la suspension des procédures d’asile pour les demandeurs syriens et la déclaration antérieure de ce dernier selon laquelle le pays est confronté à une « crise migratoire ».
2 000 personnes sont arrivées à Chypre par la mer depuis le début de l’année 2024, ce nombre ayant augmenté le mois dernier en raison de l’escalade des tensions au Liban et dans la région. Cette augmentation des arrivées ne justifie en rien le comportement illégal et violent des autorités à l’encontre des personnes en détresse en mer, ni la suspension des demandes d’asile des Syriens fuyant le régime syrien, ni l’extrême précarité et l’insécurité au Liban.
Pour répondre aux alarmes lancées par le gouvernement chypriote, l’UE semble prête à négocier un accord migratoire avec le Liban, à l’instar de ce qui s’est passé avec l’Egypte et la Tunisie. Il est donc plus que jamais crucial de souligner que la situation des Syriens au Liban est extrêmement précaire : Les Syriens n’ont pas accès à la protection internationale, en particulier depuis que les autorités libanaises ont demandé au HCR de cesser de facto d’enregistrer les Syriens en 2015. Laissés en situation d’irrégularité, ils n’ont pas accès aux services de base et aux droits fondamentaux, et beaucoup vivent dans une extrême pauvreté. Depuis 2018, le gouvernement libanais a également fortement intensifié la propagande anti-syrienne et les discriminations et déportations forcées se sont multipliées depuis. En avril 2023, une vague d’arrestations massives et de raids a conduit à l’expulsion de plusieurs personnes vers la Syrie, en violation du principe de non-refoulement. Des attaques similaires ont eu lieu au Liban au cours des dernières semaines après l’assassinat de Pascal Suleiman, un représentant local des Forces libanaises.
La menace constante d’expulsion vers la Syrie et l’extrême précarité à laquelle sont confrontés les réfugiés au Liban, associées à l’absence de voies légales de migration, ne laissent pas d’autre alternative que la migration par bateau. Plutôt que de se concentrer sur la garantie d’un accès immédiat à la protection, la réponse de l’UE semble promouvoir une fois de plus des accords de contrôle des frontières à courte vue pour empêcher les départs. En particulier dans le contexte actuel de tensions régionales croissantes au Moyen-Orient, la réponse devrait être l’inverse : assurer un accès beaucoup plus large aux voies légales de migration et de protection pour les personnes fuyant les régimes et l’instabilité et soutenir les Etats de première ligne comme Chypre pour assurer des conditions d’accueil adéquates et l’accès à la protection internationale.
Nous, les organisations soussignées, demandons :
- Chypre à revenir immédiatement sur sa décision de suspendre les procédures d’asile pour les Syriens et à cesser tout refoulement vers le Liban.
- L’UE doit condamner les refoulements illégaux et la violence des autorités chypriotes en mer et soutenir le gouvernement chypriote pour garantir un accueil, une protection et une relocalisation adéquats aux réfugiés arrivant sur l’île.
- L’UE doit donner la priorité à l’accès à la protection des réfugiés dans toute coopération avec des pays tiers, y compris le Liban, en particulier compte tenu de l’escalade des tensions régionales.
- Chypre et l’UE doivent cesser toute tentative de déclarer la Syrie (ou une partie de celle-ci) sûre et maintenir une position ferme contre les retours en Syrie.
Signataires : Centre for Peace Studies Croatia, CNCD-11.11.11, Greek Council for Refugees (GCR), KISA, EuroMed Rights, European Network Against Racism (ENAR), Lebanese Centre for Human Rights (CLDH), LDH (Ligue des droits de l’Homme), Organisation Marocaine des Droits Humains (OMDH), Palestinian Human rights Organization (PHRO), Cairo Institute For Human Rights Studies ( CIHRS )
Paris, le 19 avril 2024