Communiqué de l’Observatoire de la liberté de création
L’Observatoire de la liberté de création (OLC) dénonce une loi absurde et son application ubuesque dans l’affaire Vives
Bastien Vives est poursuivi au pénal pour des bandes dessinées sur le fondement des articles 227-23 et 227-24 du Code pénal. Ces poursuites appellent à ce stade deux observations de la part de l’Observatoire de la liberté de création, qui est désormais une association loi 1901.
Ces articles, dont l’Observatoire de la liberté de création demande qu’ils soient modifiés depuis sa création en 2003 dans son Manifeste, sont situés dans la partie du code pénal qui vise les délits, notamment sexuels, contre les mineurs. L’article 227-23 du Code pénal, depuis une modification de 1998 perçue comme anodine par le législateur de l’époque, ne permet plus discerner la fiction du réel.
C’est pourquoi l’Observatoire de la liberté de création appelle à ce que les articles 227-23 et 227-24 soient révisés afin que cesse cette confusion dangereuse.
Les associations qui les invoquent (Innocence en danger et Fondation pour l’enfance) jouent de cette confusion, et il est anormal que le parquet les suive.
D’une part, l’auteur de bande dessinée Bastien Vivès et ses éditeurs, Glénat et les Requins marteaux, sont actuellement poursuivis pour des albums parus en 2011 et 2018, alors que des plaintes précédentes contre les mêmes œuvres, parfois déposées par les mêmes plaignants, ont été classées sans suite.
Alors que la loi sur la presse enserre la possibilité de poursuivre dans des règles de prescription très strictes, pourrait-on poursuivre les livres à vie ? Les délits reprochés à ces bandes dessinées sont-ils graves à ce point qu’ils seraient imprescriptibles ?
D’autre part, à Paris comme à Nanterre, il existe des chambres pénales spécialisées dans les délits de presse, et par extension toutes les demandes visant à restreindre la liberté d’expression et de création. Ce contentieux est particulier, ces juridic7ons spécialisées ayant développé des règles d’analyse des ouvrages poursuivis qui tiennent compte des exigences de la Convention européenne des droits de l’Homme (article 10) et de son application par la cour de Strasbourg, qui impose aux juridictions nationales des critères stricts pour que les restrictions à cette liberté fondamentale soient admissibles dans une société démocratique.
L’Observatoire de la liberté de création apprend par voie de presse que Bastien Vives est poursuivi par le parquet de Nanterre en charge des mineurs. Il demande à ce que cette affaire soit redistribuée à la section presse du parquet. Les personnages de Vives sont des personnages de fiction. Aucun enfant réel n’a été représenté dans ses œuvres poursuivies. Bastien Vives a le droit que ses œuvres soient examinées en tant qu’œuvres et que les débats judiciaires portent sur l’existence d’une limite, ou non, de sa liberté de création, au sens de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, et non de comparaitre comme un délinquant sexuel, aucun élément factuel ne pouvant établir qu’il en soit soupçonnable
A la création de l’Observatoire, en 2002, l’écrivain Nicolas Jones Gorlin avait été entendu par une brigade parisienne spécialisée dans la répression de la délinquance contre les mineurs.
L’auteur de Rose Bonbon publié chez Gallimard s’était vu, comme Bastien Vives, poser des questions démontrant la confusion totale des policiers entre réalité et fiction, entre personnages et personnes réelles.
Le travail que nous menons depuis plus de 20 ans avec les juridictions et le législateur nous conduit à affirmer qu’il est essentiel que les affaires de liberté de création soient investiguées et jugées par des magistrats à même de distinguer réalité et fiction, qu’ils soient du parquet ou du siège. Et que la loi soit modifiée pour que ces confusions cessent.
Paris, le 18 mars 2024