Assises de la santé de l’enfant : pas de stratégie nationale en faveur de la santé mentale, les associations et les professionnels très inquiets

Lettre ouverte de l’Unicef, soutenue par des associations, dont la LDH

Madame la Ministre,

Après plus de 18 mois d’attente, plusieurs de nos associations ont assisté aux premières Assises de la santé de l’enfant, organisées le vendredi 24 mai, en présence du ministre délégué à la Santé et à la Prévention, Frédéric Valletoux.

Nos associations souhaitent saluer la qualité des travaux du Comité d’orientation des Assises et l’importance accordée à la parole des enfants (200 enfants consultés et la présence du Collège des enfants du HCFEA aux Assises).

Nous pouvons également accueillir positivement la volonté d’afficher de nouvelles ambitions en matière de prévention des troubles de santé mentale, et certaines mesures comme le renforcement des Maisons des ados, l’évolution du dispositif MonPsy, le soutien aux solutions innovantes, la facilitation de l’exercice mixte pour garantir des services de santé scolaire ainsi que la dynamique de revalorisation salariale des psychologues en établissements de santé.

Toutes ces mesures semblent encourageantes, à condition qu’elles soient accompagnées de moyens structurels. D’autre part, elles ne pourront pas résoudre profondément la problématique d’accès aux soins en santé mentale. En ce sens, proposer un accompagnement au sein des
Maisons des ados, ou via le dispositif MonPsy à défaut de moyens en CMP et CMPP menace directement le principe d’accueil inconditionnel des enfants.

Au-delà des mesures de prévention, notre appel au lancement d’une Stratégie nationale, voire d’un « Plan choc » en faveur de la santé mentale des enfants et des jeunes, n’a manifestement pas été entendu. Cet appel, que nous lancions déjà en octobre dernier, rappelait l’urgence d’obtenir
cette Stratégie afin de répondre aux enjeux de promotion, de prévention et d’accès aux soins pour chaque enfant, y compris les enfants ultramarins.

Durant les Assises, le ministre a annoncé porter « un engagement pour l’avenir vers une refonte profonde du système de prise en charge de nos enfants ». Alors que dans notre pays nous estimons que 1,6 million d’enfants a besoin d’un accompagnement sur le plan psychologiquepsychiatrique, seulement la moitié en bénéficie. Nos associations restent très inquiètes sur l’écart persistant entre le renforcement de la prévention et celui des soins. Quand allons-nous obtenir une réponse équilibrée entre les besoins réels en pédopsychiatrie et les moyens qui y sont alloués ? Le suivi des Assises de la santé de l’enfant doit y participer.

Nos multiples alertes sur la dégradation de la santé mentale des enfants et des jeunes sont reconnues par les pouvoirs publics mais lors des Assises, les annonces du ministre n’ont pas été à la hauteur de l’urgence et des besoins actuels, notamment pour les enfants ultramarins. Le contexte de vulnérabilités exacerbées pour les enfants ultramarins doit faire l’objet de mesures adaptées, pouvant répondre aux besoins spécifiques. Nous ne pouvons plus accepter qu’à Mayotte on ne compte qu’une seule pédopsychiatre et que le taux de renoncement aux soins soit de 45%, ou encore qu’à deux mois du post-partum, les mères dans les territoires ultramarins soient 31% à présenter des symptômes dépressifs majeurs, contre 16,7% dans l’Hexagone*. Ces éléments doivent nous alerter et méritent des réponses adéquates.

Alors que la santé des enfants est un sujet éminemment interministériel, qui fait appel à tous les professionnels de l’enfance, l’absence de plusieurs ministres lors des Assises a été remarquée. La mobilisation interministérielle annoncée dès le lancement des travaux préparatoires, et tant attendue par les professionnels, n’a pas encore eu lieu. Face à cette situation, des réponses structurelles sont encore attendues pour le respect du droit à la santé de chaque enfant.

L’UNICEF France et nos associations appellent à de nouveaux engagements en faveur de la santé mentale de chaque enfant, en particulier dans le cadre du CNR Santé mentale, prévu du 12 juin au 03 juillet.

*Rapport de surveillance de la santé périnatale en France de Santé publique France, portant sur l’année 2021

Paris, le 30 mai 2024

Liste des associations signataires :
1. Adeline Hazan, Présidente d’Unicef France
2. Pr Gisèle Apter, Présidente de la Société d’information psychiatrique
3. Pr Guillaume Bronsard, Président de l’Ecole des parents et des éducateurs Ile de France
4. Amandine Buffière, Présidente de la Fédération des centres médico-psychopédagogiques
5. Dr Jean Michel Delile, Président de la Fédération addictions
6. Pr Philippe Duverger, Président de la Fédération nationale des écoles des parents et des
éducateurs
7. Roland Dysli, Président de l’AIRe, association des DITEP
8. Pr Bruno Falissard, Président de la Société Française de Psychiatrie de l’Enfant et de
l’Adolescent et des Disciplines Associées
9. Camille Guédon, Coordinatrice régionale de Médecins du monde Guyane
10. Daniel Goldberg, Président de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes
privés non-lucratifs sanitaires et sociaux
11. Armelle Le Bigot Macaux, Présidente du Conseil français des associations pour les droits
de l’enfant
12. Marc Leray, Président de l’Association Nationale des Points Accueil-Écoute Jeunes
13. Gladys Mondière, Présidente de la Fédération Française des psychologues et de
psychologie
14. Pr Marie-Rose Moro, Présidente de l’Association Internationale d’Ethnopsychanalyse
15. Delphine Rideau, Présidente et Patrick Cottin, Président d’honneur de l’Association
nationale des Maisons des adolescents
16. Hélène Roche, Déléguée générale de l’association Protéger l’enfant
17. Vincent Persuanne, Président de la fédération des Espaces Santé Jeunes
18. Joëlle Sicamois, Directrice de la Fondation pour l’enfance
19. Nathalie Tehio, Présidente de la Ligue des droits de l’homme
20. Didier Tronche, Président de la CNAPE
21. Romain Zupranski, Président de la Fédération Française des Psychomotriciens

Lire la lettre ouverte en pdf

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