Communiqué d’EuroMed Droits dont la LDH est signataire
Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, et à la suite des résultats des récentes élections européennes, EuroMed Droits et ses organisations membres dénoncent la détérioration rapide des conditions auxquelles sont confrontées les personnes en déplacement et les défenseuses et défenseurs des droits des migrant·es dans la région euro-méditerranéenne et exhortent les décideurs à inverser radicalement le cours de l’élaboration des politiques en faveur de la défense des droits et libertés fondamentaux pour toutes et tous quel que soit leur statut.
Malgré le nombre croissant de réfugié·es dans le monde, qui a atteint 36,4 millions à la mi-2023, l’UE continue de renforcer sa politique migratoire en restreignant l’accès à l’asile et aux droits fondamentaux, notamment avec la récente adoption du nouveau pacte sur la migration et l’asile.
Pendant des années, nous avons été témoins de violences systémiques, de discriminations et de violations des droits humains contre les personnes en déplacement, menées dans un climat d’impunité totale, et même avec un soutien politique ouvert. En Tunisie, depuis la déclaration du président l’année dernière, où il a accusé les « hordes de migrants » d’être « une source de violence » dans le pays, les vagues d’arrestations et d’expulsions visant les Noir·es et les défenseurs et défenseuses des droits des personnes migrantes n’ont cessé d’augmenter. Récemment, entre le 2 et le 3 mai 2024, les forces de police tunisiennes ont expulsé à la fois des migrants en attente de retour volontaire devant les locaux de l’OIM à Tunis et des demandeurs d’asile en attente de protection internationale près des locaux du HCR, les poussant vers la frontière algérienne. En outre, ces derniers mois ont été marqués par une violente campagne d’arrestations visant les défenseurs des droits des migrant·es et toute personne apportant une assistance aux personnes en déplacement.
À la frontière hispano-marocaine, la violence contre les personnes en déplacement persiste. Comme l’a récemment montré une enquête de Lighthouse Reports et d’autres médias, les forces militaires marocaines utilisent l’argent de l’UE pour détenir arbitrairement des migrant·es noir·es et les jeter dans les zones frontalières désertiques du sud. De plus, alors que deux ans se sont écoulés depuis le massacre du 24 juin à la frontière Nador-Melilla, aucune enquête efficace n’a encore été menée pour amener les auteurs du massacre le plus meurtrier jamais enregistré à une frontière terrestre européenne. Enfin, avec l’augmentation récente des arrivées aux îles Canaries, la situation des mineurs non accompagnés est particulièrement préoccupante : en raison des lacunes dans l’identification des enfants à l’arrivée, il existe de nombreux cas de mineurs placés en détention dans des centres pour adultes et vice versa.
En Égypte, tant dans les zones frontalières qu’à l’intérieur du pays, des milliers de personnes demandeuses d’asile sont arrêtées et détenues dans différents locaux, des prisons aux postes de police et aux bases militaires secrètes, dans des conditions inhumaines et sans accès à un avocat ni à la procédure d’asile. Elles ne peuvent pas enregistrer leur résidence ou accéder à une protection internationale car le gouvernement n’accorde pas de permis de séjour et ne reconnaît pas les documents d’identité délivrés par le HCR. Depuis août 2023, des centaines de rapports ont documenté l’arrestation systématique de demandeurs d’asile, en particulier originaires du Soudan, qui ont été détenus et renvoyés de force en violation du principe de non-refoulement. Ces arrestations ont récemment été associées à d’autres mesures visant à restreindre l’accès des demandeurs d’asile soudanais à l’Égypte, malgré la guerre qui fait rage au Soudan. En dépit de ces preuves poignantes, l’UE a annoncé le 17 mars un partenariat de 7,4 milliards d’euros avec l’Égypte, couvrant différents piliers, dont 200 millions d’euros pour la migration et la gestion des frontières.
Au Liban, les expulsions vers la Syrie ont augmenté et en mai dernier, la Sûreté générale a annoncé une nouvelle série de mesures draconiennes qui augmentent la discrimination contre les Syriens et les Syriennes. Entre autres, ils soulignent que les citoyens libanais ne devraient pas employer, héberger ou fournir un logement aux Syriens résidant illégalement au Liban ; elles réduisent strictement – voire éliminent – la possibilité pour les Syriens d’accéder à leur permis de séjour ou de le renouveler ; et ils reprennent leurs retours en Syrie. Depuis lors, de multiples raids, arrestations et expulsions ont été signalés, tandis que des magasins tenus par des Syriens ont été fermés et des permis de séjour révoqués. Cette détérioration rapide fait suite à la visite de la présidente de la Commission européenne, Von Der Leyen, au Liban le 2 mai, lorsqu’elle a annoncé un programme d’aide financière d’un milliard d’euros au Liban, visant à réduire les arrivées de réfugiés dans l’UE.
Avec ces preuves de plus en plus nombreuses provenant de la région, il est extrêmement inquiétant de voir comment l’UE est prête à étendre son soutien politique et financier aux gouvernements qui violent ouvertement les droits fondamentaux des migrants et des réfugiés, en échange d’un contrôle plus strict des frontières. Bien que cette approche politique ne soit pas nouvelle, l’adoption récente du pacte de l’UE sur la migration et l’asile consolide encore cette orientation politique, en présentant le soutien budgétaire au contrôle des frontières – y compris vers les pays tiers – comme une forme de solidarité des États membres et en renforçant la notion de « pays tiers sûrs » comme moyen d’accélérer le traitement des demandes d’asile et les retours.
Au lendemain des élections européennes, qui ont conduit à une montée de la droite au Parlement européen, nous appelons à un revirement drastique de la politique migratoire loin de la logique coloniale de dissuasion, d’exclusion et d’endiguement. Les accords d’externalisation avec des pays tiers n’entraînent pas une diminution à long terme des arrivées, mais plus de violence et de décès pendant les voyages migratoires et le renforcement des régimes non démocratiques dans la rive sud de la Méditerranée.
À l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, les OSC soussignées appellent de toute urgence à une nouvelle approche de la politique migratoire qui commence par ouvrir de nouvelles voies légales pour une migration sûre, élargir l’accès aux voies existantes de protection et mettre immédiatement fin à la criminalisation et aux violations des droits fondamentaux contre les personnes en déplacement et les défenseurs et défenseuses des droits des migrant·es.
Le 20 juin 2024
Signataires : Aditus Foundation, ALEF – Act for human rights, AMERA International, Cairo Institute for Human Rights (CIHRS), Comisión Española de Ayuda al Refugiado (CEAR), Centre for Peace Studies Croatia, CNCD – 11.11.11, EuroMed Droits , Greek Council for Refugees (GCR), İHD (Human Rights Association – İHD), Irídia, Centre per la Defensa dels Drets Humans, LDH (Ligue des droits de l’Homme ), Organisation Marocaine des Droits de l’Homme (OMDH)