Appel à soutenir l’accès universel aux services d’eau et à stopper l’expansion des bouteilles en plastique

Lettre ouverte commune, dont la LDH est signataire, adressée aux délégués et président du Comité international de négociation pour un traité mondial sur les plastiques

Les ONG du monde entier, dont la LDH, exhortent les négociateurs du traité mondial sur les plastiques à réduire fortement la production de bouteilles en plastique et à soutenir l’accès universel aux services d’eau.

Dans la perspective du cinquième cycle de négociations sur un instrument international juridiquement contraignant (ILIB) relatif à la pollution plastique (INC-5), les organisations de la société civile signataires de cette lettre souhaitent insister sur l’importance d’inclure des mesures fortes pour réduire la production et la consommation de bouteilles en plastique et soutenir plutôt l’accès à l’eau potable pour tous.

La santé humaine et le droit à l’eau potable pour tous sont menacés par la pollution plastique et l’expansion des marchés de l’eau en bouteille plastique. Nous appelons à soutenir l’accès universel aux services d’eau et à stopper l’expansion des bouteilles en plastique.

Le plastique constitue une crise permanente pour la santé humaine, en raison de sa pollution et de l’exposition croissante aux produits chimiques dangereux et aux rejets de microplastiques, ce qui implique l’application de l’approche de précaution. Les effets sur la santé des substances chimiques présentes dans les produits en plastique, y compris les bouteilles, sont bien documentés et les preuves de la présence de microplastiques dans des organes humains critiques et dans la circulation sanguine sont de plus en plus nombreuses[1].

Les bouteilles en plastique sont une source majeure d’exposition humaine aux produits chimiques toxiques[2] et aux microplastiques, car elles s’échappent des installations de production de bouteilles et de l’emballage dans l’eau qu’elles contiennent. Une étude publiée en janvier 2024[3] a révélé la présence dans les bouteilles en plastique d’une moyenne de 240 000 particules provenant de sept types de plastique différents, principalement sous la forme de nanoparticules.

En outre, la croissance rapide de l’industrie de l’eau en bouteille (+73 % au cours des dix dernières années) peut compromettre les progrès vers un objectif clé du développement durable, à savoir l’accès à l’eau potable pour tous, comme l’a récemment révélé un rapport de l’Université des Nations unies[4].

Le rapport conclut que l’expansion illimitée de l’industrie de l’eau en bouteille n’est pas stratégiquement alignée sur l’objectif de fournir un accès universel à l’eau potable, détournant l’attention et les ressources du développement accéléré des systèmes publics d’approvisionnement en eau. En outre, le rapport souligne le manque de transparence de l’industrie de l’eau en bouteille, la multiplication des cas de contamination dans le monde entier et la menace qui pèse sur la gestion durable des ressources en eaux souterraines. La Commission européenne a également dénoncé en juillet 2024 des fraudes dans le secteur des eaux minérales naturelles et des eaux de source [5] avec des conséquences potentielles sur la santé humaine.

Par ailleurs, le litre d’eau en bouteille peut coûter 150 à 1 000 fois[6] plus cher que le prix de l’eau du robinet pratiqué par une municipalité. Ainsi, l’accès abordable à l’eau, qui est un critère essentiel du droit humain à l’eau, n’est pas garanti.

Nous appelons à soutenir l’accès universel aux services d’eau et à stopper l’expansion des bouteilles en plastique.

Des estimations[7] suggèrent que moins de la moitié de ce que le monde paie chaque année pour l’eau en bouteille suffirait à garantir l’accès à l’eau potable à des centaines de millions de personnes qui en sont dépourvues, et ce pendant des années.

Nous appelons à l’élimination, ou au moins à une forte réduction, de tous les types de plastiques à usage unique, en particulier les bouteilles en plastique, qui sont la principale cause des dommages causés par le plastique à l’environnement et à la santé.

Le texte du Traité sur le plastique devrait absolument considérer les bouteilles en plastique comme le principal produit plastique à usage unique problématique et facilement évitable (dans la mesure du possible) en ce qui concerne :

– le poids des bouteilles en plastique[8] dans la pollution plastique, et les risques liés à la libération de microplastiques ;
– le fait que les bouteilles en plastique peuvent être facilement évitées dans la plupart des régions, étant donné que près de 5 milliards de personnes ont déjà accès à l’eau potable et que 2 milliards de personnes devraient également atteindre cet objectif en 2030. En effet, le numéro six des objectifs de développement durable des Nations unies prévoit de « garantir la disponibilité et la gestion durable de l’eau et de l’assainissement pour tous en 2030 ».

Nous insistons sur le fait que les bouteilles en plastique (y compris les bouteilles en carton recouvertes de plastique et les sachets d’eau) devraient être éliminées si possible, ou fortement réduites, dans la section du traité consacrée aux plastiques problématiques, évitables, à usage unique et aux microplastiques.

Les exemples nationaux ou locaux de politiques fortes de réduction et d’interdiction des bouteilles en plastique se multiplient (par exemple, l’interdiction en France en 2040 et la réduction de la moitié des ventes en 2030, les interdictions dans les villes au Canada, en Australie et aux Etats-Unis) et devraient inspirer les délégués.

La réduction des bouteilles en plastique et de tous les types de plastiques à usage unique devrait être soutenue par des mécanismes de REP ambitieux, étendus à la prévention, à la réduction et à la réutilisation des déchets.

La hiérarchie des déchets est également un principe essentiel pour les mécanismes financiers et le soutien technique, qui pourrait être relié au financement et au soutien nécessaires pour l’accès à l’eau et la promotion de l’eau du robinet.

Nous devons contrôler la production de plastique, qui menace les frontières planétaires et l’action climatique.

En 2019, les plastiques ont généré 1,8 milliard de tonnes métriques d’émissions de gaz à effet de serre (GES), soit 3,4 % des émissions mondiales, dont 90 % sont liées à la production de plastiques. D’ici 2050, ces émissions pourraient quadrupler pour atteindre 15 % des émissions mondiales[9].

Il est impératif que le nouvel instrument soit conçu non seulement pour protéger la santé humaine et l’environnement de la pollution plastique, mais aussi pour nous permettre de rester sur la voie d’un monde à 1,5 °C. Des études récentes ont démontré qu’en l’absence de mesures juridiquement contraignantes pour geler et réduire progressivement la production de polymères primaires, notre meilleur scénario est une simple stabilisation des émissions de gaz à effet de serre (GES) à leur niveau actuel. Ces niveaux compromettent déjà la réalisation de l’objectif de 1,5 °C de l’Accord de Paris.

Le gel et la réduction progressive de la production jusqu’à des niveaux durables sont également une priorité pour permettre des mesures efficaces dans le reste du cycle de vie. Les systèmes de gestion des déchets sont complètement dépassés malgré les mesures de réduction de la demande et les investissements massifs, et des contrôles de la production sont nécessaires pour permettre des solutions efficaces et plus sûres.

Les bouteilles en plastique étant l’un des principaux moteurs de la production de plastique, une forte réduction de ces produits contribuera à plafonner et à réduire la production mondiale.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations distinguées,

Premiers signataires :

  1. Muriel Papin, No Plastic In My Sea, France, Core Member of the global movement Break Break Free From Plastic
  2. Sandra Métayer, Coalition Eau, France
  3. Sarah Dousse, International Secretariat for Water – Solidarity Water, Europe and Worldwide
  4. Antoinette Vermilye and Laurianne Trimoulla, Gallifrey Foundation, Switzerland
  5. Dianna Cohen, Plastic Pollution Coalition, United States
  6. Jackie Nuñez, The Last Plastic Straw, USA, Puerto Rico, South America, Caribbean, Europe
  7. Ibrahim Bechrouri, Ekō, Global
  8. Lorena Paez Brito, Instituto Mexicano de Desarrollo Humano y Aprovechamiento Sustentable SC IMDESU SC, México
  9. Ana G. Dewar, Retorna, Global
  10. Laura Martinez, Sociedad de Historia Natural Niparajá, México
  11. Axèle Gibert, France Nature Environnement, France
  12. Magali Payen, On Est Prêt, France
  13. Serge Doussantousse, Green Vientiane, Lao People’s Democratic Republic
  14. Aziz Faye, POSCEAS, Sénégal
  15. Pauline Debrabandere, Zero Waste France, France
  16. Ana Rocha, Nipe Fagio, Tanzania
  17. Luc  Arnaud, Gret,  France
  18. Julien Lallemand, Association Sillages, Réunion Island (France)
  19. Samuel Höller, a tip: tap e.V, Germany
  20. Jules Vagner, Objectif Zéro Plastique, France
  21. Sarah Ehrlich, Free Tap Water, in Belgium
  22. Piotr Barczak, Polish Zero Waste Association, Poland
  23. Olivia Skordi and Sara Mariza, Vryonidi,  Friends of the Earth Cyprus, Cyprus
  24. Valentina Muñoz, Sciaena, Portugal
  25. Marco Capovilla, Venice Tap Water, Italia
  26. Lucien Delorme, Hydraulique Sans Frontières, France
  27. Nathalie Tehio, LDH (Ligue des droits de l’Homme), France
  28. France Yannick Champain, Ligue des droits de l’Homme Pays Soissonnais, France
  29. Sarah Ehrlich, Free Tap Water in Belgium, Belgium
  30. Sophie Lehideux,  Kynarou,  France
  31. Irena  Burba, Association Green Istria, Croatia
  32. Ana Marija   Mileusnic, Zelena akcija / FoE Croatia, Croatia
  33. Sofia  Ribas Plastic Free Ibiza & Formentera (Alliance), Spain (Balearics)
  34. Elena Jaume Muelbaier,  Fundación Cleanwave, Spain/Balearics
  35. Vanessa Charlotte,  Coordination Eau Ile-de-France,  France
  36. Zoran Lalic, Tatavaka,  Croatia
  37. Marco Musso, European Environmental Bureau, Europe
  38. Jeroen Dagevos, Plastic Soup Foundation, the Netherlands
  39. Gilles Bogo, Hydraulique Sans Frontières, France
  40. Cecilia Bianco, Taller Ecologista, Argentina
  41. Vanessa Olivares, Universidad Autónoma del Estado de México, México
  42. Iyari Espinoza, Grupo de investigación de mamiferos marinos, México
  43. Rosemarie Zehetgruber, Waterschools Vienna, Austria
  44. Jean-Pierre Mahe et Eric Buchet, Experts Solidaires, France
  45. Loic Monjour, E.A.S.T, Eau Agriculuture Santé en Milieu Tropical, France
  46. Gabrielle Kuzak, City to Sea, UK
  47. Chloé Schwizgebel, Fair Resource Foundation, The Netherlands; Belgium
  48. Margot Clarys, Action Contre la Faim France, France
  49. Oscar Velez, Revive Mexico, Mexico
  50. György Szabó, Humusz Szövetség, Hungary
  51. Mayra Victoria Gutiérrez Sandoval, Ponguinguiola, México
  52. Daniel Aguirre-Ayala, Marine Mammal Research Group (GRIMMA), México
  53. Francisco Alcocer y Lozano, Los Cabos Coastkeeper: Flora and Fauna Protection Area, México
  54. Froilan Esquinca Cano, UICN CEM México Focal Point, México
  55. Mark Johnston, The Scarab Trust, United Kingdom
  56. Mauricio Cornaglia, Campaña Plurinacional en Defensa del Agua para la Vida, Argentina

[1] Plastic and human health, Geneva environment network, 2024

[2] Unpacking the complexity of the PET drink bottles value chain: A chemicals perspective, Science direct,  2022,

[3] Rapid single-particle chemical imaging of nanoplastics by SRS microscopy, PNAS, 2024

[4] Global Bottled Water Industry: A Review of Impacts and Trends, United Nations University, 2023

[5] European Commission Audit on bottled water sector fraud

[6]  Datas mentioned by the United nations university  Report already cited

[7] United nations university Report already cited

[8] Plastic bottles are a main driver  of plastic pollution, Nature Sustainibilty  publication, 2021  and  Plastic bottles are the items most frequently found in clean ups, Break Free From Plastic Brand audit

[9] Plastic  and climate : The hidden costs of a plastic  planet

 

 

Septembre 2024

Lire la lettre en anglais.

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