MNA : la procédure d’évaluation du jeune ne respecte pas les recommandations du Comité des droits de l’enfant des Nations unies

Face au silence du gouvernement, la LDH et ses partenaires poursuivent leur combat pour le respect des droits fondamentaux des mineurs non accompagnés.

La décision du Comité des droits de l’enfant des Nations unies du 25 janvier 2023 illustre de manière emblématique les violations aux droits des mineurs non accompagnés (MNA) constatées depuis de nombreuses années (CRC, 25 janvier 2023, CRC/C/92/D/130/2020).

Dans ses constatations du 25 janvier 2023, le Comité a conclu que la procédure de détermination de l’âge à laquelle a été soumis l’auteur n’avait pas été assortie des garanties nécessaires à la protection des droits qu’il tient de la Convention internationale des droits de l’enfant (Cide). Aussi a-t-il relevé une violation des articles 3, 12, 20 et 37 de la Convention, ainsi que de l’article 6 du troisième protocole facultatif.

Afin de prévenir la réapparition de telles violations, qui sont la conséquence logique du cadre réglementaire actuel de prise en charge des MNA étrangers, le Comité a, dans sa décision, recommandé à la France :

« a) De garantir que toute procédure visant à déterminer l’âge de jeunes gens affirmant être mineurs est conforme à la Convention et, en particulier, de faire en sorte : i) que les documents soumis par les intéressés soient pris en considération et leur authenticité reconnue lorsqu’ils ont été établis, ou leur validité confirmée, par les Etats ou leurs ambassades ; ii) qu’un représentant légal qualifié ou d’autres représentants soient désignés sans délai et à titre gratuit et que les représentants légaux ou autres représentants soient autorisés à les assister tout au long de la procédure ; iii) que les évaluations initiales soient conduites de façon conforme à la Convention, à l’observation générale n°6 et à l’observation générale conjointe n° 23 du Comité.

b) De garantir que tout jeune affirmant être mineur bénéficie d’information adaptée à son degré de maturité et à sa capacité de compréhension, dans une langue et sur un support compréhensible.

c) Assurer la célérité de la procédure de détermination de l’âge et adopter des mesures de protection en faveur des jeunes gens affirmant être mineurs dès leur entrée sur le territoire de l’Etat partie et pendant toute la procédure en les traitant comme des enfants et en leur reconnaissant tous les droits de la Convention.

d) De garantir que les jeunes non accompagnés qui affirment avoir moins de 18 ans se voient assigner un tuteur compétent le plus rapidement possible, y compris lorsque la procédure de détermination de l’âge est encore en cours ;

e) Veiller à ce que, en cas de litige, concernant la minorité d’un enfant, il existe un recours efficace et accessible pouvant conduire à une décision rapide, à ce que les enfants soient pleinement conscients de ce recours et des procédures afférentes, et à ce que les jeunes qui prétendent avoir moins de 18 ans soient considérés comme des enfants et bénéficient de la protection des enfants pendant toute la procédure.

f) De dispenser aux agents des services de l’immigration, aux policiers, aux fonctionnaires du ministère public, aux juges et aux autres professionnels concernés une formation sur les droits des mineurs demandeurs d’asile et des autres mineurs migrants, et en particulier sur l’observation générale n° 6 et les observations générales conjointes n° 22 et 23 du Comité. »

Cette décision n’a pas été suivie d’effet.

En parallèle, les observations finales du Comité des droits de l’enfant pour le sixième examen périodique de la France ont été publiées le 2 juin 2023. Parmi ses recommandations, et pour la seconde fois en 2023, le Comité enjoint la France d’adopter des mesures urgentes notamment pour les MNA et les enfants ultramarins. Le 25 juillet 2023, le délai est arrivé à terme sans que la France ne prenne aucune mesure dans le sens des prescriptions du Comité des droits de l’enfant.

Face à cette inertie persistante, par un courrier recommandé en date du 2 octobre 2023, l’Unicef ainsi que six autres associations ont sollicité de la Première ministre l’abrogation des dispositions des articles R. 221-11 à R. 221-15-9 du code de l’Action sociale et des familles (CASF) relatives aux conditions d’accueil et d’évaluation de la situation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille, en soulevant la violation par ces dispositions réglementaires des articles 3, 8, 12, 20 (§1) et 37 (a) de la Cide, tel que le Comité des droits de l’enfant des Nations unies l’a constaté dans sa décision du 25 janvier 2023.

La Première ministre n’a pas répondu à la demande d’abrogation, faisant ainsi naître une décision implicite de rejet.

Parallèlement, un décret n° 2023-1240 du 22 décembre 2023 a procédé à une modification des modalités de la mise à l’abri et de l’évaluation de la minorité et de l’isolement des personnes se déclarant mineures et privées de la protection de leur famille ainsi que de celles relatives à la contribution forfaitaire de l’Etat aux dépenses engagées par les départements pour la mise à l’abri et l’évaluation desdites personnes.

Ce décret n’étant pas conforme à la décision du Comité des droits de l’enfant, précité, l’Unicef et trois autres associations, qui avaient saisi la Première ministre, ont décidé d’introduire un recours en annulation enregistré contre la décision implicite de la Première ministre et ce décret.

La LDH, accompagnée de l’association l’Alliance des avocats pour les droits de l’Homme (AADH), du Conseil français des associations pour les droits de l’enfant (Cofrade), et de l’association Défense des enfants international (DEI-France) ont décidé d’intervenir volontairement auprès du Conseil d’Etat au soutien de la requête introduite par l’Unicef.

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