Communiqué commun LDH, FIDH, OCDH
L’ancien Inspecteur général des Armées du Congo, Norbert Dabira, a été interpellé, mis en examen et placé sous contrôle judiciaire hier des chefs de crimes contre l’humanité dans l’affaire dite du « Beach de Brazzaville ».
Bien que la FIDH, la LDH et l’OCDH se réjouissent de la mise en examen de Nobert Dabira dans ce dossier, elles déplorent avec force les modalités du contrôle judiciaire prononcé qui ne permettent pas de s’assurer de sa mise à disposition de la justice française, et ce en dépit du mandat d’arrêt international dont il est l’objet depuis 2004.
Interpellé hier en région parisienne alors qu’il se trouvait à la sous-préfecture de Torcy pour des raisons administratives, Norbert Dabira a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire par le juge d’instruction du pôle spécialisé dans les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide. Le contrôle judiciaire prononcé lui donne obligation de répondre aux convocations du juge et interdiction d’entrer en contact avec toute personne concernée directement ou indirectement dans la procédure.
Norbert Dabira est l’une des quatre personnes expressément visées dans la plainte déposée en décembre 2001 par la FIDH, la LDH et l’OCDH dans l’affaire du Beach de Brazzaville. Les trois ONG sont parties civiles dans ce dossier aux côtés des familles de victimes et des survivants de ce massacre.
Cette plainte, qui cherche à établir les responsabilités pénales individuelles dans la disparition de plus de 350 personnes durant les premières semaines de mai 1999 au port fluvial du Beach de Brazzaville, avait conduit à l’ouverture d’une information judiciaire en France, en février 2002, en application du principe de compétence universelle des juridictions nationales, pour crimes contre l’Humanité, disparitions forcées et torture.
« Cette nouvelle avancée dans l’affaire s’inscrit comme un signal fort pour les parties civiles qui sont en quête de vérité depuis tant d’années. C’est la première fois dans ce dossier qu’une mise en examen peut être prononcée. Pour autant, il est extrêmement dommage que le magistrat instructeur n’ait pas tiré toutes les conséquences de cette arrestation, d’autant que Norbert Dabira est déjà parvenu à se soustraire à la justice française. » a déclaré Patrick Baudouin, avocat et président d’honneur de la FIDH.
En 2002, Norbert Dabira avait en effet déjà été interpellé, placé en garde à vue puis entendu par le juge d’instruction qui l’avait alors placé sous le régime de témoin assisté. Le magistrat instructeur avait ensuite été dans l’impossibilité de l’entendre à nouveau suite au retour de Norbert Dabira à Brazzaville (République du Congo). C’est ainsi qu’un mandat international a été délivré contre Norbert Dabira en janvier 2004 sans que l’on puisse l’appréhender à nouveau depuis cette date.
« Nous nous félicitons de l’interpellation et de la mise en examen en France de Norbert Dabira. Il jouit au Congo d’une entière impunité. Il est temps qu’il réponde enfin de ses actes. Nous attendons de la justice française qu’elle établisse enfin la vérité sur ces massacres », a déclaré Roch N’Zobo, directeur exécutif par intérim de l’OCDH.
La FIDH, la LDH et l’OCDH restent ainsi préoccupées par le régime de contrôle judiciaire retenu, dans une affaire qui a déjà connu nombre de soubresauts politiques et juridiques. « Nous regrettons l’absence de mesure concrète permettant de s’assurer que Norbert Dabira reste en France et à disposition de la justice française. Les modalités du contrôle judiciaire laissent à craindre que celui-ci ne cherche à nouveau à fuir le territoire français. Nous appelons les autorités françaises à la plus grande vigilance pour s’assurer de son maintien à la disposition de la justice française » a déclaré Pierre Tartakowsky, président de la LDH.
Rappel
Entre le 5 et le 14 mai 1999, des Congolais (du Congo-Brazzaville) réfugiés du fait de la guerre civile dans la région du Pool ou en République démocratique du Congo (RDC), sont revenus vers Brazzaville par le port fluvial, suite à la signature d’un accord tripartite entre la RDC, la République du Congo et le Haut Commissariat aux réfugiés, définissant un couloir humanitaire censé garantir leur sécurité. A leur arrivée à Brazzaville, des centaines de personnes ont été arrêtées par des agents publics pour interrogatoire et ont disparu, sans que l’on sache, encore aujourd’hui, ce qui leur est arrivé.
Pour plus de détails sur ces événements et sur les procédures judiciaires passées et en cours, voir le récapitulatif de l’affaire élaboré par la FIDH : http://www.fidh.org/Affaire-des-disparus-du-Beach
Paris, le 23 août 2013