Tribune de Michel Tubiana et Mouloud Aounit publiée – de manière incomplète – dans Libération du 2 avril 2002
Inquiet de l´usage qui peut être fait de la biométrie au-delà de la simple identification d´une personne, le Comité consultatif national d´éthique (CCNE) vient de rendre un avis sur le sujet, « Biométrie, données identifiantes et droits de l´homme ». Les risques de dérive sont d´autant plus préoccupants, dit-il, « qu´ils sont démultipliés par la montée en puissance de nouvelles technologies destinées au recueil et à la transmission de données personnelles qui représentent un danger accru pour les libertés ». Le CCNE songe tout particulièrement aux puces électroniques capables de stocker quantités d´informations.
« Malgré leur apparente neutralité, ces données ? notamment celles comportant des paramètres physiologiques et psychologiques révélatrices de l´identité, des goûts ou de l´état de santé des personnes ? peuvent être détournées en vue d´une surveillance abusive des comportements. » L´obligation faite aux compagnies aériennes européennes de transmettre aux autorités américaines plus de trente données identifiantes sur leurs passagers, montre que ce n´est pas une vue de l´esprit. Si on en croit les exemples qui jalonnent l´avis rendu public hier, il est grand temps de se préoccuper de la question, d´autant que la demande sécuritaire finit par rendre acceptable ce qui ne l´est pas. C´est la raison pour laquelle le Comité d´éthique invite à un débat public « sur la généralisation abusive du recueil de données identifiantes et leurs implications éthiques », débat si possible organisé en collaboration avec d´autres comités d´éthiques « de manière à lui donner la dimension internationale qui convient au traitement d´un problème touchant étroitement aux droits de l´homme ».
Comme le dit son président, Didier Sicard, « la reconnaissance de particularités du comportement (reconnaissance de la voix, de la frappe du clavier, de la démarche) n´a plus seulement pour but de décrire l´individu, mais de le définir, de savoir qui il est, ce qu´il fait et ce qu´il consomme? » La multiplication des caméras de vidéo surveillance, la localisation des personnes par l´intermédiaire de leur téléphone portable, ou de la carte Navigo qui, « dès lors qu´elles permettent leur parfaite traçabilité, peuvent être considérées comme une mise sous surveillante de la liberté d´aller et venir ».
Voir sur le site du CCNE l’avis n°98
http://www.ccne-ethique.fr/francais/start.htm