Tribune de Michel Tubiana et Mouloud Aounit publiée – de manière incomplète – dans Libération du 2 avril 2002
Faut-il que nous payons, ici, le prix de la charge sanglante qui frappe la Palestine et Israël ? Il semble bien que les imbéciles aient décidé de se donner la main pour nous entraîner dans la ronde d’un affrontement toujours plus radical. Après d’autres attentats, voici que des lieux de culte juifs, des biens ou des personnes sont l’objet de violences ou de destructions. Dire qu’il s’agit là de manifestations d’antisémitisme est une évidence. Peu importe qu’elles n’aient, probablement, aucun rapport avec l’antisémitisme structuré de l’extrême droite. Peu importe, aussi, qu’elles trouvent leurs sources dans le sort révoltant fait au peuple palestinien et dans la folle politique de M. Sharon ou qu’elles s’inscrivent dans un contexte de déshérence sociale. Ces violences conduisent à la mise en cause d’une responsabilité collective qui serait celle des Juifs. C’est là un mécanisme qui est le fondement de tout racisme. C’est intolérable.
On peut et on doit sanctionner ces faits : sans faiblesse d’aucune sorte. Bien sûr, les pouvoirs publics doivent s’exprimer, agir et réprimer. Mais, cela ne suffit pas. Nous avons besoin d’autre chose, d’un refus collectif de cette haine qui prend corps sous nos yeux. Certes, et pourquoi le nier, il existe des désaccords : les mois qui viennent de passer ont laissé des cicatrices, au gré des anathèmes, des propos excessifs ou des comparaisons historiques douteuses. Les évènements d’aujourd’hui accroissent encore les crispations. Le sang, qu’il soit celui des victimes d’attentats aveugles en Israël ou celui d’un peuple palestinien en quête d’existence, porte une charge symbolique qui déguise la réalité et attise les passions. Mais nous devons trouver la force pour dire, ensemble, que nous ne ferons pas le chemin qui conduit à la négation de l’Autre.
Accepter l’Autre, c’est, d’abord, réaffirmer qu’il n’y aura pas de solution là-bas sans la reconnaissance du droit du peuple palestinien à exister dans un Etat aux frontières aussi sûres et reconnues que doivent l’être celles d’Israël.
Lutter contre le racisme et l’antisémitisme, c’est, aussi, refuser l’enfermement communautaire. Chacun de nous, d’où que nous venions, quelle que soit notre appartenance, est comptable du rejet du racisme. C’est donc ensemble que nous devons exprimer notre refus et non par les voies d’une démarche communautaire qui serait la négation de l’universalité de ce combat.
Parce que nos deux organisations ont inscrit, avec d’autres, dans l’histoire de ce pays l’absolue condamnation du racisme, nous appelons publiquement à la réunion de tous pour affirmer notre volonté de voir, là-bas, les peuples d’Israël et de Palestine construire leur avenir dans la paix et, ici, de partager, d’où que nous venions, la maison commune qui est la nôtre : la République.
Michel TUBIANA, président de la LDH
Mouloud AOUNIT, secrétaire général du MRAP