Note de position de la FIDH et du REMDH
À l’occasion du deuxième anniversaire de la révolution du 25 janvier, nos organisations expriment leur profonde inquiétude quant à la situation des droits de l’Homme, de la démocratie et de l’état de droit en Egypte. Nos organisations appellent les autorités égyptiennes à prendre d’urgence les mesures garantissant le plein exercice des droits fondamentaux de tous les citoyens et à ré-ouvrir le dialogue afin de faire de la transition démocratique une réalité.En lieu et place de célébration, l’Egypte connaît aujourd’hui d’importantes divisions politiques, aggravées par les tentatives du parti au pouvoir de prendre le contrôle des institutions de l’Etat et de limiter les libertés civiles les plus basiques. Dans ce contexte alarmant, les ONG égyptiennes et internationales ont fait des propositions concrètes pour faire face aux violations des droits de l’Homme dans la pratique et dans les lois, propositions qui n’ont pas été prises en considération.
Le 25 décembre une nouvelle constitution était adoptée à la suite d’un référendum précipité, dans un contexte de divisions politiques et sociales majeures et après que presque tous les membres non-islamistes de l’Assemblée constituante se soient retirés pour dénoncer que leurs recommandations n’aient pas été prises en compte par l’Assemblée. Cette nouvelle constitution ne protège pas les droits fondamentaux et ne respecte pas les obligations internationales de l’Egypte en la matière. Elle n’interdit pas les procès militaires contre les civils, ne garantit pas la séparation des pouvoirs, l’indépendance du pouvoir judiciaire, la justice sociale ni la transparence.
Nos organisations dénoncent l’augmentation des violences perpétrées par des groupes non identifiés contre des manifestants pacifiques, et le manquement des forces de sécurité à leur obligation de protection. Ces violences demeurent généralement impunies. Nous regrettons que les membres de certains partis politiques aient mutuellement utilisé la violence au cours des 6 derniers mois. Certaines sources ont rapporté que les Frères musulmans et leurs alliés islamistes ont mobilisé leurs partisans à plusieurs reprises afin qu’ils attaquent et intimident les opposants au Président Morsi. Les violences commises contre des protestataires pacifiques devant le palais présidentiel Al Ittihadya en décembre dernier ont fait onze morts et plus de 750 blessés. Des groupes islamistes ont également pris pour cible les institutions médiatiques, les partis politiques libéraux et l’institution judiciaire. En outre, le Procureur n’a pas ouvert d’enquête sur le rôle des Frères musulmans dans ces récentes attaques.
Nos organisations sont de plus en plus inquiètes de la situation de la liberté d’expression dans le pays. Le harcèlement, les interrogatoires et les violences physiques dont sont victimes les journalistes et les professionnels des médias, ont considérablement augmenté ; l’Egypte ne connaissait pas cette nouvelle tendance par le passé. La Présidence a déposé plainte contre au moins 20 professionnels des médias de l’opposition sous l’accusation « d’insulte au Président ».
Les associations égyptiennes rencontrent des difficultés importantes pour travailler librement étant donné les limitations et contrôles croissants exercés par l’administration, notamment en matière de financement étranger. Depuis 2012, une réforme de la loi sur les associations est en discussion, et menace d’évoluer vers un cadre législatif fort éloigné des normes internationales auxquelles l’Egypte a adhéré en matière de liberté d’association.
De plus, la formation du Conseil National des Droits de l’Homme suscite la controverse car elle inclut des personnes peu connues pour leur engagement pour les droits fondamentaux. Cela menace le rôle du Conseil, qui est d’observer, d’évaluer et de plaider en faveur des droits de l’Homme en Egypte.
Les violences contre les femmes, y compris des agressions sexuelles contre des manifestantes par des forces de sécurité, continuent dans un climat d’impunité. Les femmes égyptiennes connaissent un retour en arrière important dans le domaine de la vie politique. Le Conseil de la Shoura a récemment rejeté des propositions pour la loi électorale –qui doit être bientôt publiée- « plaçant les candidates femmes dans la première moitié des listes électorales », ce qui permettrait une meilleure représentation des femmes lors des élections parlementaires.
Des préoccupations importantes persistent concernant l’indépendance du système judiciaire, particulièrement à cause de l’interférence du pouvoir exécutif dans la nomination du nouveau Procureur Général, en violation de la loi. Nos organisations sont consternées par la répression contre la Cour constitutionnelle Suprême. En Novembre 2012, pendant quatre semaines, la Cour a été brutalement assiégée par des membres des Frères Musulmans et leurs alliés, empêchant les juges d’accéder à la Cour qui devait décider de la constitutionnalité de l’Assemblée Constituante et de la Haute Chambre du Parlement (Conseil de la Shoura). En mesures de représailles contre la Cour, la nouvelle Constitution a retiré 6 membres de sa composition et une nouvelle loi, qui devrait affaiblir son rôle, devrait être adoptée.
En outre, les auteurs de violations des droits de l’Homme continuent d’être en liberté dans un climat d’impunité. Les procès d’officiers de police accusés d’être responsables de la mort de manifestants ont majoritairement été conclus par des acquittements et il n’y a pas eu d’enquête indépendante et impartiale sur les violations des droits de l’Homme commises pendant la période de transition. Une commission d’enquête, établie par le Président Morsi, a récemment remis un rapport sur les épisodes violents ayant eu lieu entre février 2011 et juin 2012. Ce rapport n’a pas encore été rendu public ou utilisé par le Procureur dans les actions en justice en court.