Le 5 mars 2009, le Collectif Votation citoyenne a tenu une réunion publique à Paris, pour le droit de vote et d’éligibilité de tous les résidents étrangers aux élections locales. Compte-renduDix-huit intervenants associatifs, syndicaux et politiques ont exprimé à un public nombreux et attentif leurs convictions et leur souhait de faire aboutir cette revendication démocratique. Nous avons choisi de revenir ici sur certains éléments de la mise en perspective historique évoqués.
Plus de 50 ans se sont écoulés après la Révolution avant que le vote censitaire (réservé à ceux qui payaient l’impôt) laisse la place, le 5 mars 1848, au suffrage universel…masculin. Et près de 100 ans encore se sont écoulés avant que les femmes obtiennent le droit de vote (1944).
D’autre part, le droit de vote, que d’aucuns présentent comme indissociable de la nationalité, ne l’a pas toujours été, et de fait ne l’est pas, comme le montrent l’histoire douloureuse de la colonisation et, plus récemment l’octroi du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et européennes aux résidents originaires de l’Union européenne.
Ce sont ces cheminements et ces contradictions que nous ont présentés Michelle Perrot, historienne, Bahija Ouezini et d’autres intervenants du collectif Votation citoyenne.
Il est intéressant de faire le parallèle entre les raisons qui ont écarté si longtemps les femmes du droit de vote, partout dans le monde et en France en particulier, et celles qui semblent présider aujourd’hui à la résistance de nos dirigeants à octroyer ce droit aux résidents étrangers extra-communautaires.
Parmi ces raisons, la hiérarchie des sexes : les femmes n’ont pendant très longtemps pas été reconnues comme individus à part entière, mais comme un membre de la famille, elle-même représentée par le chef de famille, l’homme, auquel elles devaient obéissance. Une autre représentation dominante est celle de leur faiblesse et de leur propension à la superstition, la « conviction qu’il y a un lien organique et malsain entre les femmes et l’Eglise », pour reprendre les mots de M.Perrot ; ainsi ne donnera-t-on pas aux femmes leur place dans la fratrie révolutionnaire.
Comment ne pas faire le parallèle avec les discours d’aujourd’hui sur les immigrés, qui les désignent exclusivement comme « force de travail », nous imposant une « immigration subie », et auxquels est nié le droit au regroupement familial (test ADN à l’appui), aux droits civiques, voire aux droits sociaux (le refus de régularisation des travailleurs sans papiers) ?
Nationalité et citoyenneté sont indissociables, nous oppose-t-on. Mais l’histoire montre que (outre les exclusions rappelées ci-dessus) la nationalité n’a pas été en soi une condition pour accéder au droit de vote : les Algériens de l’Algérie française n’avaient pas l’accès au suffrage universel, alors que des Européens qui s’installaient en Algérie obtenaient la nationalité française et le droit de vote avec.
L’histoire du suffrage universel est ainsi une suite de combats contre l’exclusion du droit de vote : des pauvres, des femmes, des immigrés, âprement menés les uns après les autres. Aujourd’hui, le combat de la Votation citoyenne est un combat contre la xénophobie d’Etat. « Nous devons nous appuyer sur l’avancée de la citoyenneté européenne pour dire que la citoyenneté européenne ne peut pas prolonger la discrimination coloniale » déclarait Jean-Pierre Dubois.
Le combat pour l’élargissement du suffrage universel à tous les citoyens est un combat pour la démocratie, en phase avec le monde ouvert dans lequel nous vivons aujourd’hui. L’opinion y est majoritairement favorable, à nous de mener maintenant des initiatives, en Europe et en France, afin que nos dirigeants le mettent en œuvre.