Discours de Gislhaine Rivet, membre du Bureau national de la LDH et responsable du groupe de travail LDH « Santé et bioéthique », prononcée à Paris, ce 8 mars 2012.La Ligue des droits de l’Homme est particulièrement fière et heureuse de pouvoir, en ce jour emblématique du 8 mars, rendre un hommage à une femme lumineuse qui a su porter l’essentielle des revendications féministes.
Madeleine Pelletier est l’une de ces figures qui illustrent à la fois la dureté d’une société patriarcale pour les femmes et la capacité qu’elles ont à en surmonter le poids, à en combattre l’évidence discriminatoire, à imposer enfin d’autres règles au vivre ensemble.
Issue d’un milieu très modeste, elle mesurera très tôt la réalité de l’avilissement des femmes, le poids de la pensée dominante, notamment dans le champ de l’éducation, l’époque s’accommodant parfaitement de la limitation de l’instruction accordée aux enfants, en fonction de leur origine sociale. Elle devra, pour être admise comme interne en psychiatrie, affronter bien des tabous, briser bien de chaines.
Une fois médecin, elle continuera à marcher sur le chemin de la justice et de la lutte contre les discriminations, n’ayant de cesse de promouvoir une médecine plus humaniste et de dénoncer les internements arbitraires. Elle devra ainsi essuyer le refus de sa présentation au concours de l’internat des asiles d’aliénés, au seul motif qu’elle n’était pas en possession de ses droits politiques… Une épreuve qui ne fera que renforcer son engagement contre les inégalités, singulièrement les discriminations sexistes, au point d’en devenir l’axe et la pierre de touche, le leitmotiv obsédant qu’un autre monde attend qu’on lui ouvre la porte. Un monde plus ouvert, plus libre, plus juste.
Aujourd’hui, alors que nous connaissons une égalité de droit entre hommes et femmes, au regard du droit de vote, d’une parité actée, d’un droit à l’interruption volontaire de grossesse, les combats de Madeleine Pelletier restent d’actualité. Les femmes, toujours, restent contrées par des parois et des plafonds de verre, une sous représentation scandaleuse dans la sphère politique, dans les conseils d’administrations, ou encore au sein de la haute fonction publique. On sait par ailleurs que les discriminations continuent de sévir, notamment en milieux scolaires, au détriment des catégories populaires et singulièrement, au détriment des jeunes femmes qui en sont issues.
Les revendications d’hier sont toujours bien présentes, le temps n’a fait que modifier certains paramètres ; le combat de Madeleine Pelletier est donc à poursuivre. C’est ce à quoi la LDH s’emploie quotidiennement, faisant siennes ses aspirations pour l’égalité, pour la cause des femmes, pour leur dignité. Cela passe évidemment par le refus des violences sexistes, des discriminations, par la défense des centres d’interruptions volontaires de grossesse, d’autant plus menacés qu’ils le sont sournoisement.
Dans l’esprit de chaque militant, chaque militante, Madeleine reste bien présente, elle a su par son engagement persévérant, tisser un lien entre le 20ème siècle et le 21ème siècle. C’est en ayant à l’esprit le vers de Friedrich Hölderlin « là où est le danger, là est ce qui sauve » que nous pensons à elle. Car elle en est l’incarnation faite femme, elle dont la vie fut un parcours de l’ombre vers la lumière.
Gislhaine Rivet, membre du Bureau national de la LDH et responsable du groupe de travail LDH « Santé et bioéthique »