Communiqué LDH
Jean-Luc Einaudi est mort. Dans les années 1980, au moment où très peu de travaux dans les universités françaises portaient sur la période coloniale de notre histoire contemporaine, son travail d’éducateur de jeunes en difficulté l’a alerté sur la nécessité de travailler sur cette page négligée de notre passé. Son attention a été attirée sur des épisodes occultés de cette histoire, par des anticolonialistes engagés lors de la guerre d’Algérie, et par des militants de l’immigration algérienne en rupture avec les autorités de leur pays, comme l’engagement d’européens d’Algérie dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie ou la répression meurtrière, le 17 octobre 1961, de la manifestation pacifique des Algériens immigrés de la région parisienne. En 1990, son livre, La Bataille de Paris, a été le premier à décrire, avec précision, cet événement qui avait été l’objet d’une dissimulation systématique de la part des autorités françaises.
En 1997, il a témoigné au procès de Maurice Papon, à Bordeaux, sur les violations des droits de l’Homme, que cet accusé de complicité de crimes contre l’humanité sous l’occupation allemande avait mises en œuvre dans la suite de sa carrière. Celui-ci avait tenté de le poursuivre en diffamation pour avoir écrit dans Le Monde, en 1998 : « En octobre 1961, il y eut à Paris un massacre perpétré par des forces de police agissant sous les ordres de Maurice Papon ». Mais, grâce à des documents que des archivistes courageux, travaillant aux Archives de Paris, lui avaient permis de consulter, il a réussi à prouver la véracité de ses propos et le plaignant fut débouté.
Animées de préoccupations citoyennes, ses recherches opiniâtres et méticuleuses ont défriché un champ qui reste à approfondir. Car cette page d’histoire, trop mal connue, continue à peser sur notre présent et constitue l’un des substrats des phénomènes nauséabonds auxquels notre société se trouve aujourd’hui confrontée.
Paris, le 24 mars 2014