La torture est toujours largement pratiquée en Turquie, telle est la conclusion d’un rapport de mission internationale d’enquête de la FIDH. Ce rapport, soumis au Comité des Nations unies contre la Torture, constitue un commentaire au rapport de la République de Turquie relatif à la mise en oeuvre de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, ratifiée par la Turquie le 2 août 1988. Ce comité examinera le rapport de la Turquie les 2 et 5 mai 2003
http://www.fidh.org/europ/rapport/2003/tr361a.pdf
Des progrès législatifs ont été récemment entrepris par la Turquie afin de se conformer aux standards de l’Union européenne; la peine de mort a ainsi été abolie. Ces changements peuvent être interprétés comme un signe important de la détermination du gouvernement turc de se diriger vers une meilleure protection des droits de l’Homme dans le pays.
Si la FIDH se réjouit des récentes réformes législatives, celles-ci demeurent néanmoins insuffisantes. Par exemple, la définition de la torture de la loi turque est plus restrictive que celle de la Convention des Nations Unies dont le champ d’application s’étend aux personnes qui ont agi avec le soutien ou le consentement d’un agent de l’Etat. De plus, peu d’efforts ont été entrepris pour éradiquer la pratique de la torture. Le rapport indique que les cas de torture sont toujours aussi nombreux en Turquie en 2002 que les années précédentes.
Les personnes qui tombent sous la juridiction de la Cour de Sûreté de l’Etat, c’est-à-dire les personnes suspectées de crimes politiques, et plus particulièrement les persones suspectées de liens avec le Parti des Travailleurs Kurdes (PKK)- aujourd’hui appelé le Congrès de la Liberté et de la Démocratie Kurde (KADEK) sont les premières victimes de la torture. Des cas de tortures infligés à des suspects de crimes de droit commun se produisent également ezn détention préventive malgré des périodes de détention désormais plus courtes. Le rapport met en lumière l’utilisation de nouvelles méthodes de torture, qui ne laissent aucun signe physique.
Les cas de tortures et de mauvais traitements sont particulièrement nombreux dans les régions kurdes et un grand nombre de femmes sont victimes de violences sexuelles.
En ce qui concerne la prévention de la torture, bien que des lois pertinentes existent, elles ne sont pas mises en oeuvre. Ainsi le rapport met en avant le manque de contrôle effectif, adéquat et rapide de la légalité de la détention par les autorités judiciaires. Le droit d’accès à un conseil juridique est rarement respecté et le harcèlement et l’intimidation des avocats ont augmenté d’une manière certaine. Les mêmes restrictions s’appliquent pour les membres de la famille. Le droit d’accès aux soins est sérieusement mis en cause par les conditions dans lesquelles les consultations médicales ont lieu ( présence d’un agent de l’Etat, menaces sur les prisonniers afin qu’ils retirent leur plainte etc.).
La FIDH s’inquiète particulièrement de l’impunité de fait dont bénéficient les tortionnaires, ce qui constitue un obstacle important dans la lutte contre la torture. Peu d’enquêtes approfondies et effectives en vue de l’identification et de la punition des responsables sont menées. Le rapport présente des preuves de refus réguliers de la justice d’effectuer des enquêtes sur des allégations de torture. Si enquête il y a, les procès durent fréquemment des mois ou des années. Le manque d’indépendance de la justice nationale en Turquie reste un sujet de préoccupation majeur.
La FIDH est également préoccupée par les conditions de détention, qui ne sont pas en conformité avec les obligations internationales et régionales de la Turquie et notamment en ce qui concerne les prisonniers politiques. De nombreuses allégations de torture ont été recensées lors du transfert de prisonniers vers des prisons de type-F. Par ailleurs, l’isolement complet des prisonniers dans les prisons de type-F met en danger leur santé mentale et physique.
Par conséquent, la FIDH demandent aux autorités turques de mettre en oeuvre les réformes législatives qui restent jusqu’à présent théoriques.
La FIDH appelle le Comité contre la Torture à recommander au gouvernement turc de :
* Réformer le système juridictionel et renforcer le contrôle de la légalité de la détention;
* Garantir un accès à un avocat dès le début de la détention;
* Mettre en oeuvre effectivement la législation relative au traitement des personnes arrêtées et / ou détenues;
* Mettre en oeuvre efctivement les dispositions du Protocole d’Istanbul;
* Mettre fin à l’isolement total des prisonniers;
* Procéder à des enquêtes approfondies et effectives des cas de tortures et en particulier concernant les opérations qui ont lieu en 1995, 1996, 1999 et 2000 dans les prisons, et sanctionner effectivement les auteurs de torture;
* S’assurer que les victimes de torture obtiennent une réparation et une indemnisation juste et équitable;
* Assurer un programme d’éducation et de formation des fonctionnaires.