Une excellente introduction pour comprendre ce qui se passe dans le « bientôt dernier né » des départements français. Un document précieux pour discerner ce que peut être la politique française actuelle de traitement de l’immigration dans un contexte de faible contre-pouvoir médiatique et militant.
Mayotte est une île séparée du reste des Comores dans des conditions qui motivent, depuis 1976, la condamnation régulière de la France par les Nations unies.
La France accepta en effet un séparatisme dont l’intérêt réel échappe encore aujourd’hui, alors que les 4 îles des Comores étaient – au moins depuis le protectorat de 1912 – une seule et même entité.
Les conséquences de cette décision sur l’équilibre régional sont aujourd’hui toujours plus lourdes de conséquences.
L’effet combiné des soudains efforts de la France ces 30 dernières années à Mayotte et des difficultés des 3 autres îles et de Madagascar – instabilité politique, incurie des dirigeants, ingérences diverses (rappelons-nous Bob Denard, observons la situation malgache…) – a creusé un fossé important entre la situation de l’île française et celle de ses voisines dont le PIB est 10 fois inférieur. De là, un phénomène d’aspiration bien compréhensible.
Aujourd’hui, sur 185.000 habitants, un bon quart ont un statut de clandestins. Il y a bien entendu un afflux de gens cherchant de meilleures conditions de vie, d’éducation, de soins, mais aussi des personnes qui vivent depuis longtemps à Mayotte, parfois éligibles à la nationalité française, dans un contexte de société de tradition orale, où l’état civil n’est pas stabilisé.
Il faut noter de plus qu’il y a encore une quinzaine d’années, avant l’instauration d’un visa, les Comoriens circulaient librement d’une île à l’autre. Tout ceci se faisait naturellement pour ces habitants d’une même origine, d’une même culture, d’une même religion, voire de même famille…
En tout cas, pour venir ou revenir à Mayotte suite à une expulsion, il faut braver la police, la douane, avoir recours à des passeurs avec leurs barques surchargées à tel point qu’entre Mayotte et Anjouan, distantes de 70 km, on a le plus grand cimetière de l’Océan Indien (plusieurs centaines de morts chaque année).
Et sur place, la politique officielle ne voit dans ces travailleurs sans lesquels Mayotte ne saurait vivre, que des clandestins à expulser et des objectifs chiffrés : 16.000 reconduites annuelles en 2007 et 2008 ! (25.000 en France métropolitaine).
Des camions grillagés sillonnent l’île ; on arrête dans les quartiers, dans les champs, à la sortie des écoles, on enferme dans le pire centre de rétention de France, on expulse au mépris de la légalité.
Un policier témoigne, sous couvert d’anonymat, que des notes de service fixent le nombre quotidien d’arrestations à effectuer.
Un proviseur raconte comment on lui demande de contrôler la légalité de la situation des élèves.
Des parents sont renvoyés sans leurs enfants ; ainsi plusieurs milliers de gamins sont livrés à eux-mêmes, « une vraie bombe à retardement ».
La police expulse régulièrement des mineurs en les rattachant à un adulte pris au hasard ou en les vieillissant sur l’acte de reconduite à la frontière.
On entend des témoignages de clandestins qui se décrivent comme des « balles perdues », de militants de la CIMADE et de RESF, du préfet, du substitut du procureur, du n°2 de la PAF, d’un chef d’établissement…
Qui, en France, en dehors des militants, se soucie vraiment de ce qui se passe dans ce territoire perdu de la République, à 10.000km d’ici ? « Mayotte, où va la République ? » contribuera largement à rompre le silence.
Film documentaire, 2008, 52′. Réalisation : Frédéric Lambolez et Jean-Marie Pernelle. Production : En Quête Production