La LDH soutient le film « Plus jamais peur » de Mourad ben Cheikh

Projeté à Tunis en juin, premier film tunisien au festival de Cannes depuis onze ans, ce film manifeste déjà par le fait qu’il existe la réalité de la révolution tunisienne. Son sujet, c’est précisément la victoire remportée sur la peur. Il raconte la révolution tunisienne, autour du 14 janvier 2011, de Tunis à Sidi Bouzid, des manifestations de rues aux comités de quartier. Ou comment les Tunisiens ont combattu d’abord pour que Ben Ali « dégage », ensuite – mais c’est loin d’être terminé – pour que l’appareil d’État corrompu qu’il avait mis en place disparaisse à son tour.Cette histoire est racontée à travers plusieurs personnages : Lina ben Mhenni, blogueuse et militante courageuse qui a défié la censure et le régime ; Karem Chérif, journaliste qui a participé aux combats contre la répression ; Hamma Hammami, qui a connu les geôles de Ben Ali et la clandestinité, dirigeant du Parti communiste ouvrier tunisien, et surtout sa femme, Rhadia Nasraoui, avocate des droits de l’Homme qui avait mené une longue grève de la faim, persécutée comme ses confrères qui n’y ont pas tous survécu par la police du régime. Le film dessine un vrai portrait de Rhadia, encore étonnée de ne plus avoir à vérifier ses freins et son moteur avant de prendre sa voiture, de ne plus entendre les juges dicter le jugement du président par téléphone, passant du rire aux larmes selon les souvenirs.

Le film décrit les mécanismes du pouvoir tenu par Ben Ali, nourrissant la peur de l’islamisme, la peur de son « ministère de la terreur » avec ses cambriolages chez les militants, ses prisons et ses tortures, la main mise sur tout l’appareil du pouvoir – sans évoquer la corruption économique, à vrai dire facteur d’écoeurement plus que de peur. Il décrit aussi le peuple tunisien : profondément patriote, fier de son pays, démocrate, organisant les barrages de contrôle et les comités de quartier et surtout occupant courageusement la rue face à l’armée et à la police. Il dit le rôle primordial joué par les jeunes, surtout les jeunes filles, la transformation d’Internet et de Facebook en armes de guerre. Il raconte comment ce peuple a chassé la peur. Un homme soigne sa dépression en réalisant, devant son médecin, un collage de photos déchirées dans les journaux qui finit par être à la fois la représentation et la métaphore de la révolution tunisienne.

La question de la suite est juste posée : comment faire la démocratie avec une multiplicité de partis politiques ? Faut-il un leadership ou un programme ? Ceux d’entre nous qui connaissent un peu les événements en Tunisie n’apprendront rien ; on aimerait un peu plus de politique, savoir comment se déroulent les débats et les luttes de pouvoir qui enflamment le pays. Mais pouvait-on aller plus loin, alors que rien n’est fini ? En tout cas il nous offre une image vivante et sensible du combat d’un peuple et de son bonheur à crier : « Plus jamais peur ! »

Plus jamais peur

Film documentaire, 2011-07-04

73’

Réalisation : Mourad ben Cheikh

Production : Cinétéléfilms

Distribution : KMBO

Sortie : 5 octobre 2011

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