Communiqué REMDH
Le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) tient à exprimer sa plus vive préoccupation quant au rejet de la demande de récusation du juge soumise à la Cour d’appel du Caire par le militant Alaa Abdel Fattah. Le REMDH s’inquiète également de l’accélération de son procès.
Le samedi 17 mai, la Cour a décidé que le juge Mohammed El-Fikki pourrait continuer à présider le procès d’Alaa Abdel Fattah, malgré l’animosité manifeste entre les deux hommes, qui remonte à une plainte que M. Abdel Fattah avait introduite contre ce magistrat pour fraude électorale en 2005. La prochaine audience de M. Abdel Fattah a été prévue à la hâte pour le 25 mai 2014.
Malgré la décision de la Cour, le REMDH exhorte le juge El-Fikki à se dessaisir de l’affaire de M. Abdel Fattah, dans la mesure où sa présence rend difficile la tenue d’un procès équitable et porte atteinte à l’impartialité de la Cour. Nous appelons l’Union européenne à envoyer des observateurs sur place, afin d’examiner la conformité de cette procédure aux normes internationales en matière de procès équitable.
M. Abdel Fattah, tout comme 24 autres prévenus, est poursuivi en vertu de la nouvelle « loi relative aux manifestations », un texte législatif controversé. Il est accusé d’avoir « participé à une manifestation », d’avoir « agressé un officier de police » et d’avoir « incité à la protestation ». Cette loi limite les manifestations pacifiques, en violation des normes internationales, et permet aux agents de sécurité d’interdire n’importe quelle manifestation, et ce à leur seule discrétion. Elle permet également l’application d’une responsabilité collective et de sanctions disproportionnées.
Depuis son adoption, de nombreux Egyptiens ont été arrêtés et accusés d’avoir participé à des manifestations pacifiques. Le dernier exemple en date étant la descente scandaleuse sur le Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux à Alexandrie hier. Celle-ci a eu lieu alors que se déroulait une conférence de presse en solidarité avec l’activiste socialiste Mahinour Al-Massry, emprisonnée pour une durée de deux ans pour avoir participé à des manifestations.
La deuxième audience de M. Abdel Fattah s’est tenue le 6 avril 2014 au sein d’une « chambre spéciale » du tribunal pénal, située dans un bâtiment sécurisé de la police à Torah au Caire. Ces chambres spéciales ont été mises en place pour traiter les crimes de terrorisme et sont désormais utilisées pour les affaires relevant des violations de la loi sur les manifestations. Reliées au ministère de l’intérieur, ces chambres soulèvent la question de la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire dans le pays.
Le REMDH a envoyé sur place d’éminents juristes internationaux spécialisés dans les droits de l’Homme pour observer la seconde audience du procès de M. Abdel Fattah. Bien qu’aucune conclusion définitive n’ait encore pu être tirée, ces observateurs ont publié un rapport intermédiaire reprenant leurs premières constatations. Ils expriment dans ce rapport leurs inquiétudes quant au manque d’équité de ce procès.
« Le procès de M. Abdel Fattah illustre la répression des opinions dissidentes par l’Etat », a déclaré Michel Tubiana, le président du REMDH. « L’issue de ce procès devrait permettre de déterminer si le système judiciaire est bel et bien indépendant du pouvoir exécutif en Egypte. »
Bruxelles, le 23 mai 2014