Dans un contexte européen focalisé sur la lutte contre l’immigration clandestine, les ministres de l’intérieur français et britannique se rencontrent une nouvelle fois au sujet du centre de Sangatte, dont ils avaient annoncé en juillet la fermeture prochaine. Cette fois, ils vont associer leur homologue belge à leurs travaux.
Comme si Sangatte était une cause et pas seulement le symptôme des dysfonctionnements des politiques d’asile et d’immigration en Europe, les seules solutions qui sont proposées sont la fermeture du centre, le renforcement des mesures de sécurité et le retour des Afghans vers leurs pays. Mais rien n’a été fait, en France, pour améliorer les conditions d’accueil des demandeurs d’asile, qui se dégradent depuis plusieurs années. Et le « partage des responsabilités » entre les deux pays, évoqué en juillet, ne s’est traduit que par l’envoi de policiers britanniques sur le sol français.
Le traitement de la question de Sangatte comme cause s’inscrit dans une régression du droit d’asile : au Royaume-Uni, on a déjà supprimé le droit au travail pour les demandeurs d’asile et on nie la potentielle qualité de réfugié à des personnes qui ont fui des zones de conflit … En outre, comme nos associations l’avaient redouté, l’annonce de la fermeture de Sangatte et le renforcement des contrôles ont provoqué la dispersion de nombre de réfugiés vers d’autres ports, français et belges.
Alors que les deux principales populations présentes à Sangatte, les Kurdes et les Afghans, sont issues de zones de conflit encore instables, le dispositif annoncé semble avoir pour objectif essentiel le renvoi au pays. Pour les Afghans, des programmes de retour volontaire « ou non » vont être mis en place dans le cadre d’un accord tripartite (France, Afghanistan, Haut Commissariat pour les Réfugiés).
Bientôt, dit le ministre de l’Intérieur français, on va identifier (avec l’aide du HCR ?) les personnes présentes à Sangatte, les « badger » pour les reconnaître et leur proposer des solutions de retour « volontaire contraint ».. Quid des demandes d’asile ? Quid des personnes qui ne veulent ou ne peuvent retourner dans leur pays d’origine ? Quid des personnes qui ont des liens familiaux ou culturels avec le Royaume-Uni ?
Les associations soussignées de la CFDA, qui ont mis en garde les autorités, dès le mois de juillet, contre « les risques d’une solution à courte vue », rappellent leur opposition à la fermeture de Sangatte si parallèlement les moyens ne sont pas cherchés, en France, notamment pour augmenter substantiellement la capacité d’hébergement pour garantir une meilleure protection, et au niveau européen, pour que le « phénomène Sangatte » ne se multiplie pas partout. Ces moyens passent notamment par l’adoption, par l’Union européenne, de règles simples en matière de procédures de demandes d’asile, qui permettent à toutes les personnes désireuses de réclamer la protection de la Convention de Genève de déposer leur demande dans n’importe quel pays de l’Union.
Les associations soussignées de la CFDA refusent qu’au nom de la lutte contre l’immigration clandestine, la France et l’Europe remettent en cause, chaque jour un peu plus, leurs engagements internationaux en matière de protection des réfugiés et des droits de l’homme.
Paris, le 25 septembre 2002
Sont signataires les associations suivantes, membres de la CFDA :
ACAT – Amnesty International – APSR – Cimade – Comede – Forum Réfugiés
Gisti – Ligue des Droits de l’Homme – Association Primo Levi – SNPM