Rapport sur la laïcité présenté lors du 81e congrès de la LDH les 2, 3 et 4 juin à Limoges
Par ailleurs, nous voyons bien que la raison démissionne trop souvent devant une nouvelle pensée magique, simpliste, voire devant de nouvelles superstitions (qui, dans les cas de désarroi extrêmes, alimentent le développement des sectes) ; mais pour l’essentiel ces régressions relèvent bien plus de conditionnements médiatiques et publicitaires, du règne de l’image et de l’apparence, que d’un retour du religieux plus fantasmé que réel [2] Et surtout nous ne pouvons honnêtement écrire » intégrismes » qu’au pluriel : Iran, Soudan ou Afghanistan pour l’Islam, mais Pologne pour le catholicisme, Afrique du Sud ou États-Unis pour le protestantisme, Mea Shearim ou les colonies dans les territoires occupés de Palestine pour le judaïsme. Même si l’Islam alimente bien des fantasmes, et ce très au-delà de l’influence politique de l’extrême-droite, il faut sans cesse rappeler d’une part qu’il existe de nombreuses interprétations de l’Islam (comme au reste de tout message religieux) et que certaines de ces interprétations, qui sont heureusement majoritaires, sont porteuses d’évolutions positives du point de vue de la laïcité, d’autre part que la religion la plus puissante au monde (en nombre de fidèles) et la plus conquérante (en nombre de conversions) est le catholicisme. Il est donc bien des aliénations, et le paysage est infiniment plus complexe que les caricatures qui prétendent souvent le dépeindre.
La lucidité est ici d’autant plus vitale que l’amalgame inspiré par l’extrême-droite, qui fait de tout « Arabe » un musulman et de tout musulman un « islamiste », a contaminé une grande partie de la société, comme en témoignent par exemple les réflexes des magistrats de la 14e section (dite « antiterroriste ») du Parquet de Paris et des juges d’instruction chargés de ces affaires. On rencontre ainsi à l’occasion de bien étranges défenseurs de la « démocratie occidentale », des droits des femmes ou de la laïcité. La Ligue a ici une parole forte à tenir dans le droit fil de ce qui l’a constituée : les musulmans ne sont pas plus aujourd’hui, en tant que tels, les ennemis de la laïcité que les juifs ne l’étaient il y a un siècle de la patrie. Qu’il y ait dans nos rues plus de jeunes Beurs et de jeunes Blacks qu’il y a trente ans ne fait pas de doute ; que de ce fait l’intégrisme islamiste nous menace n’est que propagande raciste qui identifie faciès, nationalité voire race, et religion. Il va de soi qu’aucun ligueur ne peut voir derrière chaque Black un étranger, derrière chaque Beur un musulman, derrière chaque musulman un intégriste : l’engagement dans la Ligue est là pour nous vacciner non seulement contre la haine, mais aussi contre la bêtise qui en est la cause première.
Pour nous garder des contresens et des préjugés simplistes, le mieux est encore de nous remémorer l’héritage que nous revendiquons tranquillement, c’est-à-dire celui du modèle français de « laïcité ».
On le caractérisera sommairement comme la mise en forme civique de la liberté de conscience par la séparation de l’État et des cultes (et en particulier de l’École publique et des cultes). [3]