Le projet de droit de vote des résidents a pris naissance dans les années 70 et est marqué par divers moments de militantisme et de décision. Une présentation par Catherine Wihtol de Wenden, (CERI-Sceinces-Po, CNRS)Une première période court de 1972 à 1985. Elle est marquée par l’engagement du mouvement associatif. Le débat s’organise autour de la personne du travailleur étranger (communautaire ou non communautaire). Dès 1972, la Belgique met en place des commissions consultatives municipales pour la représentation des étrangers dans les institutions locales. En Allemagne et aux Pays-Bas se créent des « parlements d’étrangers », la Suède en 1975 décide de voter l’élection et l’éligibilité des étrangers aux élections locales, régionales et religieuses.
La réforme est votée au Danemark en 1981, aux Pays -Bas en 1985. Dans ces pays, on considère qu’il faut préparer les étrangers à la vie démocratique, même si certains caractérisaient les élections locales comme purement administratives pour dépolitiser le débat.
Une deuxième période commence en 1985, quand les arguments s’installent dans le débat public. Certains mettent en avant l’égalité des droits sociaux, d’autres insistent sur le clivage entre conceptions politiques libérales et autoritaires. On constate un flottement entre droite et gauche (des « jacobins » s’opposent à la réforme pour ne pas dissocier nationalité et citoyenneté). Les militants des associations issues de l’immigration adoptent une conception de la citoyenneté comme naissant de la participation. 1989, l’année du bicentenaire de la révolution, est marquée par le débat sur la nationalité et sur la citoyenneté de résidence.
Le traité de Maastricht de 1992 établit le droit de vote et l’éligibilité pour les étrangers communautaires dans tous les pays de l’Union. On a connu des nationaux non citoyens (pendant longtemps les femmes, les sujets coloniaux, les militaires exclus du droit de vote, les jeunes…), on a désormais des citoyens non nationaux. Cette avancée est actée constitutionnellement en 1993 en France, sous réserve de réciprocité des autres États européens concernés. Les discussions ont désormais une dimension internationale. L’idée selon laquelle les pays qui ont mis ce droit en place sont des pays où l’accès à la nationalité est difficile ne se vérifie pas. Le Royaume Uni et l’Irlande, marqués par une tradition de droit du sol, ouvrent le droit de vote aux élections locales à la moitié des étrangers (issus du Commonwealth notamment) puis à tous, en Irlande. L’Allemagne, dont la tradition est le droit du sang, est d’abord fermée puis évolue vers le droit du sol qui caractérise les pays nordiques.
L’argument de réciprocité (figurant dans traité de Maastricht) est repris pour des États extracommunautaires par deux pays seulement, l’Espagne et le Portugal qui connaissent des flux d’émigration croisés avec d’anciennes colonies en Afrique et Amérique latine. Il est peu pertinent dans le cas de la France. Un autre argument des adversaires de la réforme est que celle-ci favoriserait le communautarisme. Il est invoqué en France mais aussi en Belgique, au Luxembourg, dans les pays baltes, etc. Il constitue une forme de re-politisation de la question. On constate qu’aucun parti musulman durable n’est sorti, ici ou là, de la réforme, ni même une expression communautaire renforcée. Le vote des résidents étrangers est plutôt un vote de classe (comme l’a déjà montré le vote des enfants qui ont la nationalité du pays d’accueil : il est marqué par le même niveau d’abstention et les mêmes orientations que celui des nationaux non issus de l’immigration).