Lettre de Jean-Pierre Dubois, président de la LDHMonsieur le Président de la République,
Comme la Ligue des droits de l’Homme a déjà eu l’occasion de vous l’écrire, la France s’honorerait si elle reconnaissait qu’elle a eu, durant la guerre d’Algérie et au lendemain de l’indépendance de ce pays, un comportement envers les harkis indigne d’un pays attaché aux droits de l’Homme et aux principes de sa devise républicaine. En effet, elle se grandirait en reconnaissant :
– sa responsabilité dans les promesses qu’elle a faites, pendant la guerre, que l’Algérie resterait française quoiqu’il arrive, et ses efforts pour enrôler des supplétifs, qui ont conduit certains Algériens indécis et voulant faire vivre et protéger leur famille à devenir harkis ;
– son refus de protéger, en 1962, ceux d’entre eux qui étaient menacés et d’autoriser leur rapatriement ;
– et la discrimination dont ont été victimes ceux qui ont pu néanmoins gagner la France avec leur famille et qui ont été parqués dans des camps, dans des conditions déplorables.
Le 31 mars 2007, pendant votre campagne pour l’élection présidentielle, vous avez déclaré : « Si je suis élu président de la République, je veux reconnaître officiellement la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre de harkis et d’autres milliers de musulmans français, et je le veux afin que l’oubli ne les assassine pas une nouvelle fois ».
La Ligue des droits de l’Homme, constatant que ces paroles que vous avez prononcées il y a trois ans n’ont pas été suivies d’effets et persuadée que la France doit regarder en face toutes les pages de son passé, y compris les moins glorieuses, s’adresse de nouveau à vous pour que notre pays opère au plus vite cette nécessaire reconnaissance. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma haute considération.
Paris, le 6 avril 2010.