Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)
Ligue des droits de l’Homme (LDH)
Lettre ouverte
à Monsieur Dominique de Villepin
Ministre des Affaires étrangères
Ministère des Affaires étrangères
Monsieur le Ministre,
La Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) et la Ligue Française des Droits de l’Homme (LDH) ont l’honneur d’intervenir auprès de vous au sujet de Madame Touria Tiouli, française d’origine marocaine actuellement assignée à résidence à Dubaï, aux Emirats Arabes Unis.
En mission à Dubaï pour raisons professionnelles, Mme Tiouli affirme avoir été violée par trois hommes, alors qu’elle était sortie pour fêter son anniversaire, le 14 octobre 2002. Elle a porté plainte le 15 octobre. Le lendemain, elle a été convoquée par la police pour un complément d’information. Lorsqu’elle s’est présentée au commissariat, elle a été arrêtée et conduite à la prison pour femmes de Dubaï. Deux de ses trois agresseurs ont été interpellés, mais sur la base de leurs déclarations, Mme Tiouli a été inculpée pour « relations sexuelles adultérines », un des trois agresseurs ayant reconnu une « relation sexuelle consentie ». Suite à cette inculpation, Mme Tiouli a passé cinq jours en détention, puis elle a été assignée à résidence, son passeport lui a été confisqué, et elle doit assumer seule les frais de sa résidence surveillée.
Les autorités françaises sont intervenues en sa faveur à l’occasion du déplacement à Dubaï de la ministre de la Défense Mme Alliot-Marie et du secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères Renaud Muselier, en décembre. A l’issue de cette visite, les autorités émiraties auraient promis de laisser Mme Tiouli rentrer en France.
Aujourd’hui, force est de constater que ces promesses n’ont pas été suivies d’effet. Depuis le 12 janvier 2003, Mme Tiouli est jugée pour relation sexuelle hors mariage, et risque six mois de prison. Victime, elle se retrouve sur le banc des accusés. Du fait de son sexe et de sa nationalité, elle fait l’objet d’une discrimination, ce qui ne permet pas de garantir un procès équitable.
Pour ces raisons, la FIDH et la LDH appellent les autorités françaises à apporter leur soutien diplomatique et juridique à Touria Tiouli. Nous appelons les autorités françaises à intervenir auprès des autorités émiraties afin dans un premier temps d’obtenir la levée des mesures de résidence surveillée dont Mme Tiouli fait l’objet et son retour en France. Nous demandons également aux autorités françaises de prendre en charge les frais d’hébergement en résidence surveillée et les frais juridiques de Mme Tiouli.
Dans un deuxième temps, nous demandons aux autorités françaises d’effectuer les démarches nécessaires pour que la cause de Mme Tiouli puisse être entendue et ses agresseurs traduits en justice.
Enfin, nous demandons aux autorités françaises de placer les droits de l’Homme au centre de leurs relations, y compris économiques, avec les Emirats Arabes Unis, en prenant fermement position en faveur du respect des droits fondamentaux tels qu’inscrits en particulier dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qui rappelle que « la discrimination à l’encontre des femmes viole les principes de l’égalité des droits et du respect de la dignité humaine ».
Certains que vous ne manquerez pas de faire le nécessaire pour assurer le retour en France de Touria Tiouli dans les meilleures conditions, nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de notre haute considération.
Sidiki Kaba,
Président, FIDH
Michel Tubiana,
Président, LDH
Paris, le 15 janvier 2003