Communiqué AEDH
Jeudi 6 février, 15 personnes au moins ont trouvé la mort en tentant de traverser la frontière qui sépare Ceuta du Maroc. Cette nouvelle tragédie révèle, une fois de plus, comment les politiques européennes, et plus précisément, dans ce cas, la politique du gouvernement espagnol, portent gravement atteinte aux droits de l’Homme et sont à l’origine des souffrances et de la mort de centaines de personnes chaque année.Les nombreuses tentatives de franchir les barrières de Ceuta et Melilla, au cours de ces derniers jours, témoignent du désespoir de personnes qui traversent une grande partie de l’Afrique pour essayer d’atteindre le territoire européen, à la recherche d’une vie meilleure et plus digne. Cela témoigne également de la cruauté et de l’inhumanité de gouvernants qui installent des lames tranchantes sur ces barrières, dans le but de blesser intentionnellement ceux qui tenteront de les franchir, et qui n’hésitent pas à utiliser des balles de caoutchouc et des bombes lacrymogènes contre les migrants qui tentent malgré tout de passer la frontière. En effet, différentes sources ont dénoncé l’utilisation de ces balles de caoutchouc en direction des migrants, trouant les bouées qu’ils utilisaient pour franchir la frontière à la nage et, provoquant ainsi la noyade de plusieurs d’entre eux.
Par ailleurs, il a été démontré, de manière irréfutable, la pratique de refoulements illégaux de migrants à la frontière, aussi bien à Ceuta qu’à Melilla. Contrevenant à la législation espagnole portant sur les étrangers comme à la directive européenne 2008/115/CE, les autorités espagnoles reconduiraient des migrants à la frontière avec le Maroc, sans même avoir procédé à une analyse de leur situation, alors que nombre des subsahariens qui tentent de passer la frontière sont des réfugiés, des demandeurs d’asile, et / ou des victimes de trafic d’êtres humains.
Le ministre de l’Intérieur espagnol en personne, Jorge Fernández Díaz, a reconnu l’existence de tels procédés, « dans des cas ponctuels ». Mais il n’en a pas tiré les conséquences, n’a pas pris les mesures nécessaires pour faire cesser ces pratiques dont des enregistrements vidéos témoignent du caractère quotidien, n’a pas sanctionné leurs auteurs ou envisagé de présenter sa démission.
Face à ces évènements dramatiques, les explications fournies par le gouvernement espagnol sont, non seulement, insuffisantes mais, qui plus est, contradictoires entre elles et infirmées par les témoignages.
En conséquence, diverses ONGs espagnoles (dont l’APDHA, membre de l’AEDH), ont exigé l’ouverture d’une commission d’enquête par le Parlement Européen, afin de déterminer les responsabilités dans la mort de ces 15 migrants et les violations de la législation, mais également pour prendre acte des conséquences d’une politique migratoire contraire aux droits de l’Homme, notamment lors du contrôle des frontières de Ceuta et Melilla.
L’AEDH réitère, avec la plus ferme vigueur, son refus d’une politique migratoire européenne, fondée sur la lutte contre la délinquance organisée et le terrorisme. Il est urgent de rompre avec cette volonté obsessionnelle de fermeture des frontières et de rejet de tout étranger, sans prendre en considération des questions d’ordre humanitaire, ou le respect du droit d’asile. Ce dernier, au lieu de viser à préserver les droits des personnes en recherche d’une protection internationale, est dévoyé par la mise en place de moyens de contrôle et de répression criminelle, si chers à l’UE et dont les lames tranchantes de Ceuta et Melilla ne sont que l’un des derniers avatars.
L’AEDH apporte tout son soutien aux associations espagnoles et exige que la lumière soit faite sur les circonstances réelles des évènements de Ceuta et Melilla. Avec l’APDHA, elle entend donc se joindre à leur demande d’ouverture d’une commission d’enquête par le Parlement Européen et dénoncer ces faits devant les organisations internationales de défense des droits de l’Homme.
Bruxelles, 11 février 2014