L’avant-projet de loi relatif à la sécurité intérieure prévoit notamment de renforcer la répression contre des comportements qui causeraient des troubles à la population. Sont particulièrement visés : les prostitué(e)s, les squatters, les gens du voyage, les mendiants. Les quarante associations et fédérations nationales de lutte contre la pauvreté et l’exclusion font part de la très vive inquiétude que soulève ce projet qui risque d’atteindre brutalement les exclus de notre société.
Est-ce en créant un délit de prostitution qu’on mettra fin à celle-ci ? Chacun sait que non et que cette dernière se déplacera vers des formes clandestines et souvent plus dangereuses.
Les squatters, qui seraient susceptibles d’être condamnés à 6 mois de prison et 3000€ d’amende, trouveront-ils à leur sortie de prison à se loger, alors qu’il manque en France un million de logements pour que chacun ait un toit ? L’État risque de faire payer aux plus démunis une carence qui est d’abord la sienne. Si la société n’est pas à même de leur fournir un toit, il est injuste et inutile de leur faire subir une condamnation.
Les gens du voyage qui envahissent un terrain appartenant à autrui sont certes dans l’illégalité, mais est-il juste de faire peser sur eux une condamnation pénale alors que deux lois successives qui obligent les municipalités à créer des aires d’accueil ne sont pas respectées ? On remarquera qu’il n’est question d’aucune sanction contre les municipalités qui n’appliquent pas la loi. Pourquoi alors condamner les gens du voyage, puisqu’il manque 25 000 places en France pour stationner.
Enfin le texte réprime la mendicité « agressive ». S’il y a agression physique, le délit de voie de fait existe déjà dans le code pénal. Pourquoi alors créer un délit supplémentaire pour les mendiants ? S’il y a agression verbale (insulte), la société a-t-elle vraiment le droit de condamner à 6 mois de prison et 7500 € d’amende pour un délit aussi mineur ? En outre, cette amende exorbitante ne pourra à l’évidence pas être payée par les mendiants, ce qui les enfoncera davantage encore dans l’endettement et empêchera leur réinsertion. Tout cela est inacceptable. Comment peut-on rétablir un délit de mendicité aujourd’hui, alors que notre France du 21ème siècle est particulièrement riche mais qu’elle est incapable d’éradiquer la pauvreté? Comme l’a dit l’Abbé Pierre au sujet de ce projet de loi : « Il faut faire la guerre contre la pauvreté et non pas contre les pauvres ».
Les associations françaises de solidarité demandent solennellement au Chef de l’État et au Premier ministre de retirer ces dispositions du projet de loi en préparation.
Paris, le 11 octobre 2002