La Cour d’assises de Bordeaux a donc décidé la mise en liberté de Maurice Papon. Le président et ses deux assesseurs, magistrats professionnels auxquels est réservé le pouvoir de prendre une décision dans laquelle les jurés populaires n’ont eu aucune part ont rappelé le principe évident que la liberté demeure la règle et la détention l’exception. Il est pour le moins étrange que ce principe quotidiennement bafoué pour tous les accusés également présumés innocents jugés par les cours d’assises soit de façon exceptionnelle appliqué à Maurice Papon accusé de s’être rendu complice d’actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité.
Depuis plus de cinquante ans Papon a vécu dans le mensonge réussissant à accéder aux plus hautes fonctions de l’État après avoir sciemment organisé la déportation des juifs de Bordeaux en fonctionnaire zélé du gouvernement de Vichy aux ordres de l’occupant nazi. Il a pendant plus de seize années joué de tous les artifices de la procédure pour retarder le moment où il devrait répondre de ses actes. Dès l’ouverture de son procès il a trompé la Cour. Après avoir invoqué un état de santé gravissime pour obtenir sa libération il a avoué qu’il allait ’ très bien ’ lorsqu’avec un cynisme caractéristique de sa personnalité et une insolence humiliante pour les magistrats et particulièrement douloureuse pour ses victimes il est aller fêter sa victoire dans un hôtel de luxe et un restaurant chic.
La Ligue des droits de l’homme a été crée il y a cent ans lors du procès d’Emile Zola alors que tout était fait par la Cour qui le jugeait pour que la vérité n’apparaisse pas, pour que les questions ne soient pas posées et pour qu’un juif innocent, le capitaine Dreyfus injustement condamné reste à l’île du Diable. Partie civile au procès de Maurice Papon elle n’abandonnera pas la bataille. Ses avocats continueront à se battre pour que les droits des victimes soient respectés et que la vérité ne soit pas à nouveau étouffée.
Paris, le 13 octobre 1997