Communiqué commun
Saisine de la juridiction administrative contre la décision du conseil général de la Seine-Saint-Denis concernant les mineurs isolés étrangers.
Le 25 juillet 2011, Claude Bartolone, président du conseil général de la Seine-Saint-Denis, annonçait, qu’à compter du 1er septembre, les mineurs isolés étrangers ne seraient plus accueillis dans son département au titre de l’Aide sociale à l’enfance (ASE).
« La solidarité départementale ne peut plus se substituer à la solidarité nationale », pouvait-on lire dans un communiqué de presse expliquant que le conseil général n’était plus en mesure de faire face à l’afflux de mineurs. Cette annonce estivale n’était pas un coup de bluff destiné à faire pression sur un gouvernement particulièrement hostile aux étrangers et notamment aux plus fragiles d’entre eux.
En effet, par une note de service du directeur général adjoint du conseil général, datée du 31 août, la menace était mise à exécution dans des termes manifestement illégaux.
Outre la suspension de l’accueil des nouveaux arrivants, cette note prévoyait aussi de ne pas respecter les décisions des parquets et des juges des enfants confiant des mineurs isolés à l’ASE. Ces instructions discriminatoires ont été suivies d’effets : depuis quelques semaines, ce sont des dizaines de mineurs supplémentaires qui dorment dans la rue alors qu’ils devraient être pris en charge par l’ASE.
Les déclarations du préfet de la Seine-Saint-Denis annonçant, le 22 septembre, vouloir « œuvrer à une répartition plus équitable et homogène de l’accueil des mineurs étrangers » n’y ont rien changé. Elles n’ont certes pas été accompagnées de projets concrets de réforme alors que de véritables propositions, émanant du milieu associatif mais aussi du rapport rendu par la sénatrice UMP Isabelle Debré, en mai 2010, ont déjà été avancées : révision à la hausse des montants financiers attribués aux départements, mutualisation de certains moyens, plate-forme régionale d’accueil… Plusieurs solutions sont envisageables dès lors qu’elles n’aboutissent pas à la mise place d’un régime de protection de l’enfance à deux vitesses, avec un dispositif de droit commun inchangé et un dispositif dérogatoire « spécial mineurs isolés étrangers ». Ces solutions doivent s’inscrire clairement dans le cadre d’une solidarité et d’une politique nationales, c’est pourquoi il est urgent que le ministre de la Justice, coordonnateur de ce dossier, prenne l’initiative d’une table ronde avec les services de l’État, les représentants des conseils généraux, le réseau associatif et les professionnels pour adopter enfin une stratégie concertée et de dimension nationale qui permettrait à la France de respecter ses engagements internationaux.
Il est indéniable que l’accueil de ces mineurs pèse lourdement sur le budget de quelques départements, dont celui de la Seine-Saint-Denis qui reçoit une grande partie de ceux entrés par l’aéroport de Roissy. L’État, signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant, n’assume pas ses obligations, même si, dans l’état actuel du droit, c’est effectivement aux conseils généraux qu’il revient de prendre en charge tous les enfants en danger présents sur leur territoire. Aucune distinction selon la nationalité ne peut être opérée.
Laisser des enfants à la rue dans le seul but de faire pression sur le gouvernement relève de pratiques contraires à la dignité humaine, à l’obligation de protection de l’enfance comme le prévoit le code de l’action sociale et des familles, et des pires formes de la politique d’inhospitalité, quelles que puissent être les raisons avancées. C’est pourquoi, les organisations sous-signées entendent attaquer devant la juridiction administrative la note de service du 31 août et obtenir son annulation. Elles étudient également la possibilité de soulever par toute voie de droit la mise en danger de mineurs dépourvus de prise en charge.
Les déficiences en matière d’accueil des mineurs isolés étrangers ne concernent pas seulement la Seine-Saint-Denis qui s’était jusque-là efforcée bon an mal an de répondre à sa mission de protection. Les stratégies de dissuasion mises en place dans d’autres départements sont moins visibles que l’annonce de M. Bartolone mais elles ne sont pas plus acceptables. Rendez-vous à répétition, contestations systématiques de l’âge, « mises à l’abri » dans des chambres d’hôtel sans suivi éducatif, appels contre les décisions des juges des enfants, etc. sont autant de mesures destinées à ne pas assumer les obligations légales en matière de protection et de prise en charge des mineurs isolés.
Les organisations sous-signées sont prêtes à soutenir les demandes de péréquation financière et de contribution étatique pour peu qu’elles soient accompagnées d’une véritable reconnaissance des droits des mineurs isolés. Mais, en aucun cas, elles n’accepteront que des enfants fassent les frais du bras de fer qui oppose certaines collectivités locales au gouvernement actuel.
Le 7 octobre 2011
Organisations signataires :
• Gisti
• Hors la rue
• La Voix De l’Enfant
• Ligue des droits de l’Homme
• Mrap
• Sud Collectivités territoriales du CG 93
• Syndicat de la Magistrature