Communiqué de l’Observatoire de la liberté de création
Le 16 février 2010, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné la Turquie. Selon la CEDH, on ne peut se fonder sur l’obscénité ou, de façon plus générale, invoquer la morale pour justifier la condamnation à une lourde amende de l’éditeur des Onze mille verges, « œuvre d’un auteur mondialement connu, Guillaume Apollinaire ». Si la Cour note que l’œuvre fit scandale lors de sa publication en 1907, elle ajoute qu’il ne faut pas « sous-estimer dans ce cas précis le passage de plus d’un siècle depuis la première parution de l’ouvrage en France, sa publication dans de nombreux pays en diverses langues, ni sa consécration par l’entrée dans La Pléiade une dizaine d’années avant la saisie dont il a fait l’objet en Turquie ». Dès lors, le droit du public à accéder à une « œuvre figurant dans le patrimoine littéraire européen » doit triompher des « singularités culturelles, historiques et religieuses des pays membres du Conseil de l’Europe ».
Depuis lors, la loi turque n’a pas changé et les menaces sur les éditeurs considérés comme séditieux se sont accrues, comme le démontre cette nouvelle affaire, concernant un autre éditeur et une autre œuvre d’Apollinaire, Les Exploits d’un jeune Don Juan.
En effet, la Cour d’appel suprême de Turquie vient de rejeter l’acquittement prononcé en première instance en se fondant sur des décisions plus anciennes de la CEDH, laquelle n’a pas toujours défendu aussi vigoureusement la liberté d’expression que dans l’arrêt de 2010 cité ci-dessus. L’éditeur Irfan Sanci1 et le traducteur Ismaël Yergüz sont menacés d’une peine d’emprisonnement de six à dix ans pour avoir publié Les Exploits d’un jeune Don Juan.
La prochaine audience se tiendra à Istanbul le 17 décembre 2013.
L’Observatoire de la liberté de création apporte son soutien plein et entier à l’éditeur et au traducteur, dénonce les poursuites dont ils font l’objet et appelle de ses vœux une décision d’acquittement identique à celle prononcée en première instance.
***L’Observatoire de la liberté de création, créé à l’initiative de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) en 2002, réunit douze partenaires autour de la LDH : Acid – Association du cinéma indépendant pour sa diffusion, Aica France, ARP – Association d’auteurs-réalisateurs-producteurs, Cipac, Fédération des salons et fêtes du livre de jeunesse, FRAAP – Fédération des réseaux et associations d’artistes plasticiens, Groupe 25 images, Ligue de l’enseignement, SFA – Syndicat français des artistes interprètes, SGDL – Société des gens de lettre, SRF – Société des réalisateurs de films, Syndicat des artistes plasticiens (Snap)-CGT.
1 Editions Sel Publishing à Istanbul www.selyayincilik.com.
Paris, le 9 décembre 2013