Tous les trois ans, le rapport Pisa donne une photographie de l’état des compétences des élèves de 15 ans dans les pays développés et un nombre croissant de pays associés. Vincent Peillon avait annoncé que l’enquête 2012 acterait une dégringolade de l’école française. Si on parle en termes de compétences moyennes, ce n’est pas vraiment le cas puisqu’on enregistre à la fois une petite baisse en mathématiques et une légère augmentation en français.Mais le problème n’est pas là. Ce qui caractérise aujourd’hui le système éducatif français, c’est sa grande capacité à fabriquer des élites performantes et à laisser au bord du chemin un nombre croissant d’élèves de plus en plus faibles.
De nombreux travaux de chercheurs ont mis en évidence les failles du système : incapacité de l’école à prendre en compte les différences de capital culturel transmis par les familles, lourdeur des programmes, ghettoïsation de certains établissements, faible encadrement des élèves (notamment à l’école primaire), formation insuffisante des enseignants… Il n’appartient pas à la LDH de prendre position sur chacun de ces points mais notre association ne peut rester indifférente à toute dégradation de l’efficacité d’un service public et au fait, qu’aujourd’hui, la France est le pays où l’origine sociale pèse le plus sur la réussite scolaire. Ce constat n’est pas nouveau mais il met à mal les principes de la République.
Depuis 1980, date de leur création, la politique des Zones d’éducation prioritaire (Zep) était censée donner « plus à ceux qui ont le moins ». Mais a-t-on vraiment donné « plus » ? Dans les faits, ce système n’a jamais fait l’objet d’une définition mesurable, ni dans les critères, ni dans les moyens alloués. En pratique, les quelques moyens supplémentaires alloués pour baisser les effectifs des classes (à peine deux élèves en moins par classe) sont plus que compensés par le fait que les enseignants affectés en Zep sont en moyenne moins expérimentés. Au final, la dépense publique par élève est souvent plus élevée dans les écoles, collèges ou lycées les plus favorisés que dans les établissements Zep.
Lorsqu’en 2001, l’enquête Pisa avait montré les insuffisances du système éducatif allemand, ce pays avait fortement réagi et a pris, avec succès, un certain nombre de dispositions pour redresser la barre. Certes, ce qui se passe à l’école reflète ce qui se passe à l’extérieur, et l’école ne pourra jamais être parfaitement égalitaire dans une société très inégalitaire. Il y a donc urgence à lutter de manière générale contre toutes les inégalités et à garantir à tous l’effectivité de l’ensemble des droits économiques et sociaux. Mais l’école ne saurait se résoudre à constater, année après année, qu’elle entérine – voire amplifie – les inégalités sociales. Dans un pays où le diplôme joue un rôle déterminant, la relégation scolaire crée de l’exclusion, de manière précoce et parfois irrémédiable. Elle contribue aussi au sentiment d’être abandonné par le politique et c’est un des terrains sur lesquels l’extrême droite excelle à prospérer. L’enjeu est donc de taille.