Communiqué de l’AEDH
Depuis quelques mois, l’AEDH a entrepris de consolider des liens de consultation réciproque avec des députés du Parlement européen de divers groupes politiques. L’objectif de ce groupe informel d’ami(e)s de l’AEDH est de contribuer au développement d’une réflexion de fond sur toutes les questions touchant aux droits fondamentaux dans l’Union européenne.
Mercredi 12 octobre, sous ces jeunes auspices, une première réunion publique a été organisée au Parlement de Bruxelles. Placée sous la présidence conjointe de Marie-Christine Vergiat (GUE/NGL) et Pierre Barge (AEDH), elle avait pour thème « Les conséquences et répercussions des révolutions arabes sur les politiques de l’Union européenne ». Avec l’appui du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH), plusieurs intervenants venus du Maghreb (Tunisie) et du Machrek (Egypte) ont ainsi pu exposer la situation prévalant dans leur pays et les aspirations de leurs concitoyens.
Cette demi-journée a parfaitement atteint son but : faire se rencontrer et dialoguer acteurs de la société civile et parlementaires européens. Sur la question migratoire, en outre, on ne pouvait douter que des écarts de vue entre la rive Nord de la méditerranée et la rive Sud, apparaitraient.
Comme l’a mis en avant Tarek Mahrous (AMERA Egypte), l’Egypte accueille à elle seule 43 000 demandeurs d’asile et 100 000 libyens. La Tunisie, quant à elle, s’est généreusement et largement ouverte aux libyens à bras ouverts, a précisé Caroline Stainier, (chargée des questions d’asile et d’immigration au sein du REMDH) de retour d’une mission de terrain dans un camp de réfugiés à Choucha (Tunisie), en juillet 2011.
Michel Tubiana (Vice-président du REMDH) a démontré que finalement, « rien n’a changé dans la perception que l’UE a de cette région du monde après les révolutions », et Catherine Teule (Vice-Présidente de l’AEDH) de rajouter que les négociations en cours avec la Tunisie et la Libye portent sur les mêmes objectifs que les accords précédemment négociés et signés entre l’UE et les anciens régimes totalitaires (accords de réadmission, surveillance de la Méditerranée, contrôle de l’immigration aux frontières extérieures de l’UE…). Marie-Christine Vergiat (GUE/NGL) a quant a elle relevé que le seul geste que l’UE ait fait en faveur des pays du sud est un geste financier permettant de contenir les flux migratoires sur place.
Plusieurs intervenants ont jugé primordial que l’UE prenne ses responsabilités en termes d’accueil des migrants et demandeurs d’asile et arrête de se décharger de ce « fardeau » sur des pays comme la Tunisie et l’Egypte. Ces pays – toujours en transition, rappelons-le – prennent en charge des migrants qui, faute de système législatif et de protection adéquate, se retrouvent, non seulement en exil mais, qui plus est, sans statut juridique ; ils ne peuvent donc ni travailler ni être intégré dans le pays d’accueil et font également parfois l’objet de pression ou de harcèlement.
Comme l’a rappelé Mariya Nedelcheva (PPE), il est « grand temps de mettre fin aux relations asymétriques nord-sud pour entrer dans un système gagnant-gagnant et d’améliorer les instruments existants comme Dublin II, Frontex ou Schengen afin de les utiliser de manière plus cohérente » pour aider à la démocratisation des pays en transition. Elle confortait ainsi le plaidoyer d’Amor Boubakri de l’Université de Sousse (Tunisie) pour un réel soutien des pays de l’UE qu’il juge « très important, voire crucial, pour la construction de la démocratie dans les pays de l’Afrique de Nord ».
Afin que l’Europe n’apparaisse plus comme un « rideau de fer » décrit par Amor Boubakri, l’UE se doit de repenser à une politique d’ouverture de ses frontières, estime Judith Sargentini (Les Verts/ALE), qui plaide pour la mise en place de visas à entrée multiples. Alors que, Carmen Romero Lopez (S&D), jugeant que « la peur de l’immigration est une peur construite par les gouvernements européens afin de se maintenir au pouvoir », a clairement mis en avant que les questions d’immigration étaient un faux problème et que l’Europe avait besoin de ces migrants, comme en témoigne son histoire.
Les intervenants sont tombés d’accord sur le fait que la liberté d’aller et venir ne doit pas être réservée aux européens, qu’il est primordial d’arrêter le marchandage de la libéralisation des visas contre la surveillance par les pays du sud des frontières et que l’ouverture des frontières relève certes d’une question humanitaire, à court terme, mais surtout d’une question d’honneur pour une Europe qui place les libertés au centre de sa philosophie. C’est en ce sens que l’idée de la suppression des visas court séjour a été avancée par Catherine Teule.
Par la voix de son président, Pierre Barge, l’AEDH appelle donc fermement l’UE à changer le paradigme de sa politique migratoire en abandonnant la priorité donnée à des mesures contre-productives et inhumaines ignorantes de l’Article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme Ces femmes et ces hommes ont d’abord droit au respect de leur dignité et ce doit être le premier objectif affirmé de l’UE au risque, sinon, de la conduire vers un repli porteur de populisme, de peur, de rejet de l’étranger dont on sait quelles conséquences il a eu dans notre histoire.
A l’issue de cette demi-journée, les organisateurs ne pouvaient que se féliciter de son intérêt et de son succès. D’autres thèmes seront mis à l’ordre du jour des rencontres de cette nature et de ce format qui devraient, dorénavant, être organisées une à deux fois par an.
Bruxelles, le 3 novembre 2011
AEDH, Association Européenne pour la défense des Droits de l’Homme
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L’Association Européenne pour la Défense des Droits de l’Homme (AEDH) regroupe des ligues et associations de défense des droits de l’Homme des pays de l’Union Européenne. Elle est membre associé de la Fédération internationale pour la défense des droits de l’Homme (FIDH). Pour en savoir plus, consultez le site www.aedh.eu