Après plus de deux ans d’attente, le gouvernement présente enfin sa loi d’orientation sur l’exclusion. On peut s’en féliciter.
Malheureusement les attentes suscitées par ce texte sont loin d’être satisfaites et sa présentation a amené des commentaires hostiles de la plupart des associations concernées, sans oublier la réaction prudente mais également critique du CES.
Et les points positifs (droit de vote enfin réalisé pour les SDF, réquisition de logements vacants, numérotation départementale unique d’enregistrement des demandes de logement…) ont du mal à masquer les insuffisances dont la principale est l’absence de tout financement nouveau et de tout mécanisme de suivi du recyclage des emplois dont on prétend faire le ressort de la stratégie poursuivie. Pire, ce sont les chômeurs, au travers d’une réforme de l’allocation spécifique de solidarité, qui devront payer l’essentiel des mesures proposées. ’ Pauvres de tout le pays, unissez-vous ’ semble être la devise du gouvernement. Que devient alors la solidarité nationale ?
Comment ne pas voir les lacunes importantes du texte qui prétend lutter contre l’exclusion sociale sans parler d’accès à l’éducation (hormis quelques modifications des instances de lutte contre l’illettrisme) ni d’accès à la culture, sans modifier fondamentalement l’accès à la justice, sans se pencher sur les problèmes des cantines scolaires dont un nombre d’enfants croissant est désormais exclu, sans instaurer un véritable droit à la santé puisque la création d’une assurance-maladie universelle est renvoyée à un autre projet de loi dont l’examen n’est même pas programmé.
C’est pourquoi alors que notre pays traverse une crise sociale aiguë (le chiffre de cinq millions de chômeurs est désormais dépassé), la Ligue des droits de l’homme en appelle à la représentation nationale qui va discuter ce projet : elle dénonce une fausse loi d’orientation et demande que des moyens financiers à la hauteur des ambitions affichées soient dégagés.
Notre pays a besoin d’une réelle solidarité nationale. Pour que le socle des droits fondamentaux dont tout individu doit pouvoir bénéficier dans un pays démocratique soit respecté, il faut une démarche claire. La proclamation de bonnes intentions ne débouche sur aucune initiative concrète. Les demi-mesures ne permettent pas d’atteindre les buts poursuivis. Pire, elles masquent des retours en arrière clandestins ou explicites.
C’est aux actes qu’on juge la sincérité d’une politique.
Paris, le 14 avril 1997