L’action des « Roms de Zamoly », comme ils sont appelés maintenant partout en Europe, a contribué à faire prendre conscience à l’opinion internationale de l’inacceptable oppression que les quelque dix millions de Roms subissent partout en Europe.
L’octroi de l’asile politique en France à la grosse majorité des réfugiés venus de Zamoly constitue une reconnaissance officielle de cette oppression (15 adultes ont obtenu l’asile après mars 2001, 37 personnes avec les enfants). Cela ne s’était jamais fait en France. Régularisés, les Roms de Zamoly connaissent maintenant la vie difficile des immigrés de la première génération. Malgré la persistance de l’angoisse, les enfants se sont adaptés à la scolarité de manière variable. Beaucoup d’adultes souffrent de lombalgies, de maux de tête, de troubles du sommeil et de douleurs digestives d’origine anxieuse. Trois sont morts. Ibolya K., à 45 ans, au Canada en janvier 2001(accident vasculaire cérébral probable), Rudolf K. en septembre 2001 à 74 ans, Laszlo G. à 45 ans en décembre 2001 des suites d’une noyade. Pourtant, au-delà des situations parfois pathétiques qu’ils endurent, les Roms de Zamoly ont fait avancer les choses.
Non, bien sûr parce qu’ils étaient hongrois. Venant de tout autre pays, de Slovaquie, du Kosovo ou de Roumanie, des Roms agissant avec la même intelligence et la même détermination auraient probablement obtenu le même résultat. Même si elle se mène souvent à bas bruit et depuis des siècles, l’oppression des Roms en Europe est une réalité qui ne peut plus être tolérée. Ceux de Zamoly ont eu le courage et le mérite historique de placer chacun, l’Union européenne, les Etats qui la constituent et ceux qui aspirent à la rejoindre, les syndicats, les partis politiques, les associations de défense des droits de l’homme, les citoyens enfin, devant ses responsabilités. Personne ne peut accepter sans réagir ou en se voilant la face le sort misérable, parfois tragique, qui est trop souvent celui des Roms en Europe. Après Zamoly, personne ne pourra dire: «Nous ne savions pas». Ce n’est pas seulement de lointains villages Roms qu’il est question, mais de l’avenir de chacun, de celui de chacun des pays européens et de l’Europe. Il y a eu un avant-Zamoly, il y aura un après-Zamoly.
Il sera pour une bonne part ce que les militants, les organisations attachés à la défense des libertés et de la dignité des individus et les Roms eux-mêmes, en feront. Rien du peu qui a été obtenu jusqu’ici (la médiatisation de la question, les déclarations d’intention du gouvernement hongrois, les révélations sur le sort des Roms, l’asile à ceux de Zamoly) ne l’a été sans combat. Il y a fallu d’abord l’audace de ceux de Zamoly puis, en appui, la mobilisation internationale de militants et d’organisations, en Hongrie, en France, dans divers pays européens et jusqu’en Israël et aux Etats-Unis. C’est à l’évidence dans cette voie qu’il faut continuer. L’oppression des Roms est une donnée enracinée depuis des siècles dans presque tous les pays dont ils sont citoyens, souvent de seconde zone. Minoritaires, appartenant pour la plupart aux couches les plus pauvres et les plus opprimées, privés le plus souvent de l’accès aux moyens culturels quand ce n’est pas à l’école élémentaire, victimes des préjugés les plus rétrogrades, les Roms peinent à trouver dans leurs seules forces, pays par pays, les moyens de faire évoluer les choses. Chacun des pays et chacune des sociétés auxquelles les Roms appartiennent est comptable de leur sort.
On ne peut se défausser sur les traditions, sur l’histoire ou sur les Roms eux-mêmes. Mais, il serait aussi inacceptable qu’en ce domaine, qui touche aux droits élémentaires et à la dignité de millions d’individus, la collectivité et pour commencer l’Europe laisse chacun, bourreau ou victime, agir comme il l’entend ou le peut. La solution se trouve dans la voie initiée par les Roms de Zamoly: face à des opinions nationales trop souvent consentantes ou indifférentes, c’est devant l’opinion européenne que la question doit être placée. La Conférence de Budapest du 26 mai 2001et l’Appel qui en est sorti constituent un pas dans cette direction. Mais il ne pourra être suivi d’autres que si dans chacun des pays européens concernés (et tous le sont!) des citoyens, Roms et non Roms, les syndicats, les associations de défense des droits de l’homme, des partis politiques aussi, décident d’entreprendre d’améliorer radicalement la condition honteuse des Roms en Europe en faisant de cet objectif le premier combat collectif des peuples européens non les uns contre les autres mais pour bâtir, ensemble, une Europe unie, solidaire et démocratique d’où l’oppression et le racisme seront bannis.
Après 26 mois de lutte et de vigilance, le Comité de Soutien aux Roms de Zamoly estime avoir atteint les objectifs pour lesquels il s’était constitué : rendre publique la question Rom en exigeant l’asile en France pour ceux de Zamoly. Pourtant, si des points ont été marqués, la question Rom est loin d’être résolue et dans la plupart des pays où ils vivent, les Roms continuent à être victimes de discriminations sociales et raciales. Ses buts immédiats atteints, le comité de soutien aux Roms de Zamoly disparaît en tant que tel. Ceux qui furent « les Roms de Zamoly » sont désormais, à Strasbourg, entre les mains de l’association Horizon Amitié Mais, la question du sort des Roms en Europe, elle, demeure. Le combat pour la résoudre se poursuit, avec d’autres opprimés, Roms d’ex-Yougoslavie, de Roumanie, de Slovaquie. De France, aussi. Il est indissociable de la lutte que nous menons, les uns et les autres, pour un monde plus juste, sans racisme, sans discrimination et sans exploitation.
GY Federmann, porte parole du Comité de Soutien APRES « ZAMOLY »
Paris, le 26 septembre 2002