Réponse de Lionel Jospin
INSTITUTIONS
Êtes-vous d’accord pour que les citoyens puissent saisir eux-mêmes le Conseil constitutionnel?
Cet élargissement de la saisine à tous les justiciables que certains juristes proposent est effectivement une idée qui mérite d’être débattue. Il participerait du développement de la citoyenneté.
Êtes-vous d’accord pour que les membres du Conseil constitutionnel, du CSA de la CNIL soient élus par le Parlement à une majorité qualifiée ?
L’importance prise par ces institutions appelle certainement une réflexion approfondie sur les modalités de désignation de leurs membres, les mettant à l’abri de toute critique concernant leur impartialité. Cette réflexion, je souhaite l’engager, mais il serait prématuré de se prononcer à présent sur tel ou tel type de désignation.
Êtes-vous d’accord pour interdire le cumul entre un mandat de parlementaire d’une part et, d’autre part, l’exercice d’une fonction exécutive au sein d’un conseil régional, un conseil général, une communauté d’agglomération, urbaine ou de communes ? Êtes-vous en faveur de l’élection au suffrage universel direct des conseils de communauté urbaine, des conseils de communautés d’agglomération et de communes ?
Je crois que pour permettre une meilleure respiration de notre vie démocratique, il faut que nos élus nationaux puissent se consacrer pleinement à leur tâche de législateur. C’est pourquoi je suis favorable au mandat unique pour les parlementaires. Nous avons tenté au cours de cette législature de progresser dans la voie de la limitation des cumuls de mandats, mais nous nous sommes heurtés à l’opposition du Sénat. Il faudra donc, pour mener à bien cette réforme, passer par la voie référendaire.
Je propose également que les organes exécutifs des structures intercommunales soient élus au suffrage universel, en même temps que les conseils municipaux. Cette mesure découle des pouvoirs croissants reconnus à ces entités, notamment en matière fiscale.
Que pensez-vous de la limitation du renouvellement des mandats ?
Je partage le souci du renouvellement des responsables politiques qui est une condition de bon fonctionnement de notre démocratie. C’est bien la raison pour laquelle je propose la réduction des cumuls et que j’ai institué les règles de parité. Pour le reste, je pense qu’il faut laisser aux électeurs le libre choix de leurs élus.
Êtes-vous favorable à ce qu’une fonction ministérielle soit incompatible avec toute autre fonction exécutive élective ?
C’est la règle que je me suis efforcé de faire respecter au sein de mon gouvernement.
Êtes-vous d’accord pour définir un statut de l’élu et, dans l’affirmative, quel en serait le contenu ?
Comme je l’ai indiqué, nous devons poursuivre la voie de la limitation du cumul des mandats, en franchissant notamment une nouvelle étape vers le mandat unique pour tous les parlementaires. Cette évolution devra s’accompagner d’un véritable statut de l’élu. Ce statut devra également favoriser l’accès des salariés du secteur privé à la vie publique, en prévoyant des modalités de réinsertion dans l’entreprise lorsque l’élu cesse d’exercer ses fonctions. Je souligne que nous avons avancé, à mon initiative, dans le sens d’une meilleure reconnaissance de la fonction d’élu avec le vote de la loi sur la démocratie de proximité, qui vient d’être promulguée.
Êtes-vous en faveur de la reconnaissance du vote blanc ?
Je ne suis pas certain de l’intérêt d’une telle mesure. Quel enseignement pourrait-on véritablement tirer d’une telle comptabilisation ? Ma responsabilité est de convaincre que la couleur peut être parfois préférable au blanc…
Comment entendez-vous assurer la participation des citoyens, des associations et des syndicats à la vie publique ? Quelles mesures entendez-vous prendre pour permettre un meilleur suivi et une meilleure évaluation des politiques publiques locales ou nationales, notamment en terme d’expertise indépendante ?
La loi sur la démocratie de proximité prévoit la création de conseils de quartiers. Ceci va dans le sens d’une meilleure association des citoyens à la vie publique locale. Certaines villes, comme Lille, en sont déjà dotées et leur fonctionnement semble encourageant. Je propose également que soient encouragés les référendums locaux, et que soient permis les référendums régionaux, sur des sujets relatifs aux compétences des collectivités territoriales.
Dans un autre registre, je propose de soutenir les organisations d’usagers, capables de relayer leurs attentes. Il faudra aider de telles associations à se créer, puis à se développer, en leur donnant les moyens juridiques et financiers nécessaires.
Je me suis enfin engagé à ce que le prochain quinquennat soit celui d’un renforcement du dialogue social. Je propose en ce sens la création d’une conférence économique et sociale, afin que les partenaires sociaux puissent se saisir des principaux enjeux les concernant lors de la prochaine mandature – retraites, formation tout au long de la vie, système de santé… Le développement de la démocratie sociale sera au cœur de ma démarche, afin de trouver un meilleur équilibre entre la loi et le contrat.
Êtes-vous d’accord pour introduire dans toutes les élections où cela n’existe pas (et par évidence en dehors des élections présidentielles) une dose de proportionnelle ?
Je propose en effet d’introduire une dose de proportionnelle aux élections législatives. Les 577 députés actuels continueront d’être élus de la même manière, au scrutin majoritaire uninominal par circonscription. C’est une liste complémentaire – 50 à 80 députés – qui serait élue sur une liste à la proportionnelle. Il me semble en effet normal que les formations minoritaires soient représentées au Parlement.
S’agissant des élections municipales, le mode de scrutin de type « proportionnel avec prime majoritaire » fonctionne depuis presque 20 ans à la satisfaction générale. Il permet de dégager des majorités stables tout en assurant au mieux la représentation des différentes sensibilités de l’opinion. Nous avons transposé ce même régime pour l’élection des conseillers régionaux sur la base d’une circonscription régionale. Ce nouveau régime, qui s’appliquera pour la première fois en 2004, donnera enfin à la région un mode de scrutin digne de l’importance prise par cette collectivité locale depuis sa création en 1982. Quant au conseil général, le gouvernement aura à réfléchir sur une éventuelle modification de son mode de scrutin. Je propose en tout cas l’alignement à cinq ans de la durée de l’ensemble des mandats, ce qui signifie la réforme des modalités actuelles (mandat de six ans, renouvellement par moitié tous les trois ans).