Réponse de Lionel Jospin
DISCRIMINATIONS
Entendez-vous créer une Haute Autorité Administrative chargée de la lutte contre les discriminations ?
Depuis 1997, des instruments ont été mis en place par mon gouvernement pour lutter contre les discriminations raciales. Sur le plan juridique, c’est l’aménagement de la charge de la preuve en matière de discrimination à l’emploi. Sur le plan institutionnel, trois outils ont été créés : le GELD (Groupe d’étude et de lutte contre les discriminations), le 114 (appel téléphonique gratuit à la disposition des personnes victimes ou témoins de discriminations à caractère racial) et les CODAC (Commissions d’accès à la citoyenneté). Plutôt que de créer une nouvelle structure, j’entends renforcer celles qui existent déjà et propose que le GELD puisse, conformément à la Directive européenne de juin 2000, intervenir et assister directement les victimes de discrimination dans le cadre de procédures judiciaires.
Quels moyens entendez-vous prendre pour que toutes les CODAC remplissent pleinement leur rôle et dans l’égalité entre partenaires publics et associatifs ou syndicaux ?
L’action des CODAC, essentielle dans le dispositif de lutte contre les discriminations, a été tout dernièrement renforcée par la circulaire du 30 octobre 2001 adressée aux préfets. Celle-ci précise que « ces commissions doivent impérativement s’ouvrir plus largement à l’ensemble des acteurs institutionnels et associatifs, en les associant davantage à la définition et à la mise en œuvre de la politique d’accès à la citoyenneté et de lutte contre les discriminations ». En outre, pour les signalements mettant en cause l’administration il a été demandé que la procédure du double référent (une personne issue de l’administration associée à une autre venant du tissu associatif ou des syndicats), soit mise en œuvre de façon à permettre une plus grande objectivité dans le traitement de ces dossiers.
Si la pleine participation des associations et syndicats à l’ensemble des missions des CODAC est ainsi encouragée, il est, bien entendu, nécessaire que le renforcement des CODAC se traduise également par une augmentation de leurs moyens. Le futur gouvernement devra y veiller.
Entendez-vous ouvrir les sept millions d’emplois privés ou publics actuellement fermés aux étrangers non communautaires à tous les étrangers sans discrimination ?
Le gouvernement a lancé en 1999 un plan de lutte contre les discriminations. Ce plan contient des mesures relatives au droit du travail. Sur cette base, le GELD a établi un diagnostic de l’accès aux emplois, profession par profession. Il conclut sur l’opportunité de revenir sur certaines interdictions jugées désuètes, comme par exemple celles concernant les géomètres-experts ou les débits de tabac. Il reviendra donc au futur gouvernement d’examiner ces propositions, tout en veillant naturellement à la protection des fonctions régaliennes.
Confirmerez-vous les engagements déjà pris par l’État en faveur de la réalisation, d’ici 2004, d’aires de stationnement pour les gens de voyage conformément aux besoins recensés dans les schémas départementaux ? Vous engagez-vous à abolir, conformément au rapport de la commission nationale consultative des gens du voyage, les dispositions discriminatoires de la loi de 1969 (titre de circulation et contrôles policiers, système de rattachement administratif, quotas, délai d’inscription sur les listes électorales) ?
Devant l’offre insuffisante de lieux d’accueil et les mauvaises conditions d’installation offertes, mon gouvernement a choisi de légiférer à nouveau (loi du 5 juillet 2000), cherchant un équilibre satisfaisant entre d’une part la liberté constitutionnelle d’aller et venir et l’aspiration légitime des gens du voyage à pouvoir stationner dans des conditions décentes et d’autre part le souci légitime des élus locaux d’éviter des installations illicites qui occasionnent des difficultés de coexistence avec leurs administrés. Le préfet et le président du conseil général ont eu à charge d’élaborer pour janvier 2002, en relation avec une commission consultative, un schéma départemental définissant les communes d’implantation des aires, leur capacité et leur destination. Mais le préfet peut, en cas de refus d’implication du conseil général, adopter seul le schéma après janvier 2002, puis se substituer aux communes qui, 2 ans après l’adoption de celui-ci, n’auraient pas accepté d’aménager les aires prévues. Dans les faits, l’échéancier n’est pas totalement respecté et un « sursis » de quelques mois a été accordé à certains retardataires, mais le processus paraît bien lancé. Cet effort des communes est soutenu par l’État. L’enjeu de parvenir à une cohabitation harmonieuse de toutes les composantes de la population est essentiel pour les personnes directement concernées.
Êtes-vous favorable à l’ouverture du mariage aux couples du même sexe dans l’égalité des droits ? Êtes-vous favorable à ce que des couples du même sexe puissent adopter un enfant dès lors que sont clairement distinguées la filiation biologique et la filiation juridique ?
Le Pacs a été voté pour faciliter la vie de tous ceux, notamment du même sexe, qui ont un projet de vie ne passant pas par le mariage. Il a comblé le vide juridique qui existait. Le mariage est, par définition, une institution qui concerne le couple mixte désireux de fonder une famille. Il intéresse la construction des rapports entre les générations et la filiation, ce qui n’est pas l’objet du Pacs. J’ai indiqué que je souhaitais améliorer le texte sur le Pacs, notamment en ce qui concerne les déclarations d’impôt faites en commun. Le problème essentiel est celui de l’égalité des droits.
Quant à l’adoption d’enfants par des couples homosexuels, il y a un vrai débat de société. Il est important de ne pas l’esquiver. Il est bien évident que c’est l’intérêt de l’enfant qui doit primer sur tout autre. L’adoption d’enfants par un couple signifie une substitution de sa filiation réelle au profit des parents adoptants. Dans la situation où l’adoption serait le fait d’un couple homosexuel, l’enfant aurait comme parents légaux deux personnes du même sexe. Je pense que cela ne permet pas à un enfant de se structurer de façon satisfaisante. Celui-ci a besoin d’un père et d’une mère dans ses références de construction personnelle. C’est pourquoi il me semble qu’on ne peut pas reconnaître juridiquement la parenté légale d’un enfant à un couple homosexuel. Par contre, lors de l’adoption d’un enfant par une personne seule, les liens de filiation ne sont pas en cause. L’orientation sexuelle ne doit pas alors intervenir dans les critères pris en compte dans la procédure d’adoption, de la même manière qu’il serait inacceptable qu’elle soit prise en compte dans le choix de la garde des enfants après une séparation. Un homosexuel, y compris lorsqu’il vit en couple, doit pouvoir adopter un enfant et fonder une famille.