Tribune de Mouloud Aounit, secrétaire général du MRAP, de Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU, d’Annick Coupé, porte-parole du G10-Solidaires, de Georges Dupont-Lahitte, président de la FCPE, de Jean-Marc Roirant, secrétaire général de la Ligue de l’enseignement et de Michel Tubiana, président de la LDH, parue dans Le Monde du 6 novembre 2004.
Nous manifesterons le 7 novembre, à Paris et dans plusieurs grandes villes, contre l’antisémitisme, le racisme, le sexisme et toutes les discriminations, notamment en raison de l’orientation sexuelle.
L’augmentation des faits de cette nature, qu’ils soient identifiés ou qu’ils restent dans l’ombre, est une réalité qui doit être dite et reconnue.
Nous le devons, d’abord, à toutes celles et tous ceux qui en sont les victimes. Nous le devons, ensuite, à notre démocratie, qui serait un peu plus mise à mal par le silence ou, pis encore, par la dissimulation.
C’est la totalité de la société qui est atteinte : de l’école aux entreprises, aucun domaine n’échappe au rejet de l’Autre. Réagir est une exigence qui implique que nous dépassions le stade de l’émotion et que nous prenions le problème à bras-le-corps.
Nous n’avons pas voulu que notre réaction se place sous ces auspices. Nous l’avons longuement mûrie de manière qu’elle fasse appel à la fraternité de tous, mais aussi à la raison de chacun. Nous avons besoin d’un sursaut citoyen qui se manifeste en permanence, et non au gré des événements.
L’antisémitisme, le racisme, toutes les discriminations ont leur spécificité. Le nier reviendrait à s’interdire de trouver les moyens efficaces d’y répondre. Faire de ces spécificités la raison d’un combat morcelé ouvre la voie à tous les replis communautaires.
C’est au contraire dans la réaction la plus large, celle qui conduit à considérer que chaque acte antisémite, raciste, sexiste ou homophobe, chaque discrimination, est une agression contre tous les habitants de ce pays, que l’on peut trouver un début de réponse à un cancer qui – ne l’oublions jamais – finira, si on le laisse se développer, par ruiner la paix civile.
C’est pourquoi nous avons demandé la participation de tous, sans aucune exclusive (à l’exception de l’extrême droite) et sur la base de l’appel que nous avons lancé. Nous croyons qu’il est plus que jamais nécessaire de ne pas s’enfermer dans des querelles qui hypothèquent notre combat. Nous n’avons pas plus vocation à édicter des interdits qu’à recevoir des injonctions.
Qu’il existe des divergences, ce n’est que normal en démocratie – elles existent d’ailleurs au sein même des organisations qui ont conçu cette initiative et de celles qui la soutiennent.
Dès lors qu’elles ne portent pas sur ce qui nous réunit, rien ne sert d’en faire des motifs de division ; ce qui compte, c’est que chaque organisation ait pris l’engagement de lutter contre l’antisémitisme, le racisme, le sexisme et toutes les discriminations, notamment en raison de l’orientation sexuelle. Toutes les organisations qui s’inscrivent dans cette initiative sont désormais consciemment débitrices à l’égard de toutes les victimes.
C’est l’engagement que prennent les signataires de l’appel à manifester le 7 novembre, qui sera un premier pas. Nous irons au-delà en incitant à des débats publics partout en France. La diversité, mais aussi la représentativité, de ceux qui y ont adhéré (près de 100 organisations), déjà considérable, peut et doit s’agrandir. Du mouvement syndical aux associations, sans ignorer les partis politiques ou les organisations religieuses, tous ont un rôle à jouer dans ce combat essentiel.
Nous ne souhaitons laisser personne de côté, mais permettre à chacun de prendre ses responsabilités sans céder aux intérêts communautaires ou politiciens. L’enjeu est trop important pour s’abandonner à ces errements. De la même manière que la CFDT, la CFTC, la CGT et l’UNSA, organisations syndicales membres de la Confédération européenne des syndicats, qui ont souhaité s’exprimer en cette qualité et qui appellent à ces manifestations, nous mesurons et assumons les responsabilités qui sont les nôtres et nous souhaitons que chacun fasse de même.
L’enjeu est de relever le défi de construire la France que nous voulons : une République laïque, qui accueille, dans la réalité, dans l’égalité des droits et le respect de la règle commune, la diversité de celles et ceux qui y vivent. C’est cet espoir que nous voulons transformer en réalité.
Mouloud Aounit est secrétaire général du mrap (mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples). Gérard Aschieri est secrétaire général de la FSU (Fédération syndicale unitaire). Annick Coupé est porte-parole du G10-Solidaires. Georges Dupont-Lahitte est président de la FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves). Jean-Marc Roirant est secrétaire général de la Ligue de l’enseignement. Michel Tubiana est président de la LDH (Ligue des droits de l’homme).