Avis adopté par l’Assemblée plénière de la CNCDH
III. LES DEBOUTES DU DROIT D’ASILE
La CNCDH constate, d’une part, que l’interprétation restrictive que font les autorités françaises tant des stipulations de la Convention de Genève en ce qui concerne les agents de persécution, que des conditions d’octroi de l’asile territorial, conduit à écarter de l’asile des personnes et familles dont la vie et la liberté sont gravement menacées ; d’autre part, que des personnes déboutées du droit d’asile, mais qu’il est impossible de renvoyer dans leur pays, sont maintenues dans une situation de grande précarité juridique et matérielle.
La CNCDH recommande :
19. que l’article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile soit modifiée aux fins :
a) de préciser, conformément aux recommandations du Haut Commissariat aux Réfugiés, que les persécutions mentionnées à l’article premier de la Convention de Genève peuvent émaner de groupes non-étatiques ;
b) d’ajouter que la qualité de réfugié est également reconnue par l’OFPRA à toute personne qui établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu’elle y est exposée à des traitements inhumains et dégradants contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, cette dernière disposition entraînant l’abrogation de l’article 13 de la même loi relatif à l’asile territorial ;
20. qu’en tout état de cause, soit créé un titre de séjour délivré de plein droit aux personnes qui, après avoir été déboutées de leur demande d’asile, ne peuvent pas être renvoyées hors du territoire français soit parce qu’elles sont ressortissantes de pays qui font officiellement l’objet de moratoires de renvoi, soit parce que les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière et/ou les décisions fixant le pays de renvoi les concernant ont été annulés par la juridiction administrative sur le fondement de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
IV. L’HARMONISATION DES POLITIQUES D’ASILE EN EUROPE
A. L’accès au territoire des Etats membres
a) En ce qui concerne la généralisation des visas
21. La conjugaison de l’exigence très généralisée de visa avec l’application du principe de responsabilité des transporteurs empêche en pratique les demandeurs d’asile d’entrer régulièrement sur le territoire européen pour solliciter l’asile car ils proviennent généralement de pays soumis à visa.
Aussi la CNCDH invite-t-elle le gouvernement à œuvrer dans le cadre de l’Union pour que soit adopté le principe de la délivrance par les postes diplomatiques de « visas asile », sans condition restrictive, hors le cas de demandes jugées manifestement infondées, principe dont elle a recommandé l’adoption dans le cadre national dans son précédent chapitre I.
b) En ce qui concerne les sanctions à l’égard des transporteurs
22. La CNCDH déplore que l’harmonisation vise à renforcer un dispositif répressif qui ne préserve pas effectivement le droit des demandeurs d’asile d’accéder au territoire pour présenter leur demande. En raison des risques que ce dispositif présente pour l’exercice du droit d’asile, la CNCDH réaffirme la nécessité déjà établie au Chapitre I d’un aménagement du régime des sanctions à l’égard des transporteurs acheminant des étrangers sur le territoire. Elle recommande que ne soient pas instituées de sanctions envers les transporteurs en cas d’acheminement d’un étranger ayant exprimé à l’embarquement son désir de solliciter l’asile. Si cet aménagement se révélait impossible, il conviendrait d’envisager la suppression d’un mécanisme de responsabilité contraire aux règles et principes du droit international, aux engagements des Etats en matière de droits de l’homme et au respect absolu du droit de demander l’asile affirmé par les Etats européens à Tampere