Lettre ouverte à M. Eric Besson, ministre chargé de l’Immigration, signée par de nombreuses organisations dont la LDH.Monsieur le Ministre,
Nous nous devons de nous adresser à vous au sujet de la réforme des conditions d’intervention de la société civile dans les centres de rétention administrative (CRA) lancée par décret à l’été 2008 par Monsieur Brice Hortefeux.
Cette réforme, telle qu’elle a été engagée par votre prédécesseur, n’est pas acceptable et nous avons demandé à Monsieur Hortefeux d’y renoncer. Nous avons en effet la conviction profonde que cette démarche ne peut qu’aggraver la situation, déjà très difficile, des retenus en même temps que dégrader substantiellement ces conditions d’intervention.
Nous lui en avons exposé les raisons :
– cette réforme dénature le sens même de la mission ; là où il s’agissait d’aider concrètement les personnes retenues à avoir accès à leurs droits, les textes ne mentionnent plus que la seule mission d’information ;
– elle vise à contrarier toute observation, analyse et réaction d’ensemble sur la situation prévalant dans les centres de rétention ; pour ce faire, elle morcelle le territoire national en huit lots géographiques différents, indépendants les uns des autres, et réduit ainsi considérablement la qualité de l’aide juridique aux personnes retenues ;
– elle privilégie la mise en œuvre d’un appel d’offres de marchés publics ouvert à des opérateurs autres que les associations spécialisées ; ce faisant, elle menace l’exercice des droits fondamentaux des personnes retenues.
Cette volonté d’entraver l’action de la société civile était d’autant plus inquiétante qu’elle intervenait dans un contexte marqué par la « politique du chiffre » en matière d’éloignement des étrangers et les menaces contenues dans la « directive retour » adoptée par le Parlement européen et le Conseil des ministres de l’Union européenne, qui allonge lourdement la durée de la rétention.
Suite à nos demandes de concertation, nous avons recueilli de la part de Monsieur Hortefeux des réponses qui n’en sont pas et nous n’avons reçu aucune proposition à notre demande d’une rencontre. Après l’annulation de l’appel d’offres par le tribunal administratif de Paris le 30 octobre 2008, un nouveau texte a été publié sans aucune modification sérieuse à la version précédente.
Les nouveaux textes prévoient certes que les titulaires du marché pourront exprimer des opinions et critiques d’ordre général mais, dans une telle logique de concurrence, aucune garantie ne peut être donnée que l’attribution ou le renouvellement de ce marché ne seront pas dépendantes de l’attitude observée par les associations concernées.
Ce contexte, Monsieur le Ministre, rend absolument nécessaire l’ouverture d’une réelle concertation.
Dans l’attente de cette rencontre, nous vous prions d’agréer, Monsieur le ministre, l’expression de notre haute considération.
Paris, le 27 janvier 2009
Signataires : ACAT-France, ACT UP-Paris, ADDE (association de défense du droit des étrangers), Amnesty International France, ANAFE, APSR (Association pour les Personnels de santé réfugiés), CCFD, CFDT, CGT, CIMADE, COMEDE, Comité Tchétchénie, CRID (Centre de recherche et d’information pour le développement), DOM’ASIL, ELENA (Association d’avocats liés au Comité Européens des Exilés et Réfugiés), Emmaüs France, Fédération de l’Entraide Protestante, Fédération syndicale Unitaire, FNARS, GAS (Groupe accueil et solidarité), Hors la rue, Ligue des droits de l’Homme, Médecins du monde, Migrations santé, Montgolfière, MRAP, RESF, Secours Catholique, Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France