La France s’enfonce dans une crise de régime. Tous les ingrédients sont là : une affaire de corruption au cœur de la machine d’état et de ses choix d’austérité ; un déficit flagrant de confiance vis-à-vis de la représentation politique, un désaveu structurel du couple exécutif dans l’opinion publique et surmontant le tout, un présidentialisme bégayant, peu audible, peinant à convaincre. Cette affaire doit largement sa capacité de nuisance à son contexte dégradé au plan financier et économique bien sur mais aussi, surtout peut-être, aux thérapies de choc que la démocratie a subi en Europe, de la Grèce à l’Italie. Elle la doit également à l’étrange management dont elle a été l’objet, en amont des aveux mais aussi en aval. Sur l’amont, les questions sur qui savait quoi restent ouvertes. Ce qui signifie que personne ne croit une seule seconde que personne ne savait rien… Cette autoroute ouverte à la suspicion généralisée a ensuite été renforcée en aval. Après avoir tenté de présenter l’affaire Cahuzac comme le péché d’un seul homme, l’exécutif à brutalement changé de pied en décrétant la transparence obligatoire des élus, élargissant ainsi considérablement le cercle des mis en suspicion…
Improvisation, gesticulation ont présidé à des annonces élyséennes dont aucun n’a rétabli ne serait-ce qu’un début de confiance. Rarement dans l’histoire de la Vème, la parole présidentielle aura été frappé d’obsolescence avec une telle rapidité. Rarement elle aura soulevé autant d’oppositions a visage ouvert au sein de sa majorité.
Sur cette toile de fond, et par un jeu de mise en résonances d’acteurs à priori sans grand lien les uns avec les autres on voit se dessiner une configuration politique nouvelle, la tentation de l’instabilité, de jouer la légitimité de la rue contre celle de la République.
Face à ce bouillonnement dangereux, le pouvoir semble n’avoir pris ni la mesure du désaveu qui le frappe ni saisi la nature complexe de ce qui l’alimente. Gageons que la mise en transparence des élus ne fera pas oublier l’affaire Cahuzac, ne calmera pas l’inquiétude sociale du pays, pas plus qu’elle n’apaisera pas la frustration alimentée par le sentiment qu’une fois encore, une fois de plus, les promesses de changement se fracassent devant la puissance de ceux qui justement n’ont aucun intérêt a ce que les changements promis se réalisent.