Communiqué commun Ligue des droits de l’Homme (LDH) et Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)
A l’occasion de la visite en France de Paul Kagame, président de la République du Rwanda, nos organisations expriment leurs préoccupations sur l’état des poursuites engagées en France contre des présumés génocidaires, mais également leur vive inquiétude quant à la situation des droits de l’Homme au Rwanda et tout particulièrement celle des défenseurs des droits de l’Homme.
L’arrestation en France, puis le transfert devant la Cour pénale internationale, de Callixte Mbarushimana, dirigeant du FDLR (Front de libération du Rwanda), pour sa responsabilité présumée dans des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en RDC et sa mise en examen pour sa participation présumée au génocide rwandais, à la suite d’une demande de la FIDH, partie civile, sont des avancées importantes.
De même, les avancées récentes dans certains dossiers, rendues possibles par la reprise de la coopération judiciaire entre la France et le Rwanda, doivent se concrétiser par l’ouverture de procès, notamment pour les affaires les plus anciennes et celles où les mis en examens sont en détention préventive. A cet égard, nos organisations rappellent la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme en 2004, pour non respect du droit à un délai raisonnable dans le dossier concernant l’abbé Wenceslas Munyeshyaka.
Nos organisations appellent à l’adoption du projet de loi portant création du pôle spécialisé sur les crimes contre l’humanité dans les meilleurs délais, afin de donner à la justice française les moyens de mener à bien ces dossiers.
Au Rwanda, la situation des droits de l’Homme demeure extrêmement préoccupante et les violations ont culminé lors de la dernière campagne électorale. Dans un contexte politique particulièrement tendu, qui a vu plusieurs opposants arrêtés, les libertés d’expression, d’opinion et de presse, à l’instar de la fermeture de certains journaux d’opposition ou de radios à l’approche du scrutin présidentiel, ont été particulièrement mises à mal.
Le harcèlement et la répression des défenseurs des droits de l’Homme s’appuie notamment sur les accusations abusives de « négationnisme » ou « d’idéologie génocidaire », en vertu de la Loi n°18/2008. Afin d’empêcher ces dérives, il est urgent que ce texte soit réexaminé, conformément à l’annonce faite en ce sens par le gouvernement en avril 2010.
Par ailleurs, à l’occasion de la reprise, le 5 septembre, du procès de Victoire Ingabire, opposante politique poursuivie notamment pour « complicité de terrorisme » et « atteinte à la sureté de l’Etat », nos organisations rappellent le droit de chacun à un procès équitable et encouragent le Rwanda à se conformer à ses obligations en matière d’administration de la justice.
Enfin, alors que s’achèvent les travaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda, dont la compétence était limitée aux seuls crimes perpétrés au cours de l’année 1994, nos organisations soutiennent la demande du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme adressée au Etats visés, dont le Rwanda, dans son rapport sur les crimes commis en République démocratique du Congo entre 1993 et 2003, de diligenter des enquêtes sérieuses et crédibles. Ces enquêtes doivent en effet permettre que les responsables de ces crimes soient identifiés et jugés, les victimes reconnues dans leurs droits à la justice et à la réparation, et le cycle de l’impunité, à l’oeuvre dans la région des Grands lacs, enrayé.
Nos organisations appellent donc à ne pas éluder ces questions au cours de la visite du président rwandais, conformément aux récents engagements du gouvernement français à faire de l’exigence de démocratie et du respect des droits l’Homme présentés comme des axes majeurs de la diplomatie française.
Paris, le 9 septembre 2011.